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La paroisse d’hier à aujourd’hui

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La paroisse d’hier
L’image que nous pouvons avoir de la paroisse n’a guère à voir avec celle de l’Église primitive.[1].A l’origine l’Église locale n’est pas une paroisse intégrée dans un espace géographique. La condition des membres du peuple de Dieu était celle des étrangers en séjour ici ou là, voyageurs sur la terre, en situation transitoire (1 P 2,11 ; He 11, 13). Ils vivaient dans l’attente eschatologique, dans le temps de la fin. Leur condition se rapproche de celle d’un groupe d’émigrés.
                À partir de la destruction du Temple en 70 se termine la première génération de chrétiens. C’est alors que naît le christianisme, nouvelle religion sans temple ni , dit E. Trocmé[2]. Les chrétiens forment « une fraternitéà travers le monde ». Ils ne s’enracinent pas ici bas. Ils sont « édifiés en maison spirituelle ». Ils résident dans les cités suivant la situation de chacun, et se conforment aux usages locaux.

La paroisse s’installe
Les communautés vont peu à peu se constituer à partir du deuxième siècle  sous la responsabilité d’un évêque en oubliant la réalité eschatologique de l’Église. Toutefois ils sont rassemblés pour être « une fraternité dans le monde » (1 P. 5, 9)
Au début du IVe siècle, le statut des chrétiens a changé. La paroisse s’installe. Le lien avec l’évêque fonde l’Église, car lui seul ou son délégué donne l’eucharistie. Les évêques jouent un rôle prépondérant dans la démultiplication des paroisses qui assurent la présence conquérante de l’Église. Le diocèse dont l’évêque est le responsable est une conquête territoriale pour Dieu à qui la terre appartient. La paroisse n’est plus une communauté particulière, mais la population même. Les clochers vont rythmer la vie de tous. C’est ainsi que les protestants ont été catholiques pendant 1 000 ans. « Là où paraît l’évêque, là est la communauté. De même que là où est le Christ  Jésus, là est  l’Église universelle » dit Ignace d’Antioche.

La cléricalisation en marche
Pendant une grande période, c’est la communauté qui nommait les évêques par acclamation . Mais le rôle des évêques  s’est par la suite affirmé jusqu’à confisquer le pouvoir. La nomination des évêques deviendra de plus en plus une affaire d’évêques.  En 1140 le décret de Gratien décide que l’élection appartiendra désormais aux clercs, et le consentement au peuple ». Ainsi la règle de l’élection de l’évêque décidée au  Concile de Chalcédoine (451), est-elle abrogée par le concile de Latran et l’on pourra dès lors être prêtre sans communauté, ou évêque sans Église. Le clergé devient un état, un  corps  sacerdotal. Vatican II tentera , sans aller trop loin, de réagir.
 
La paroisse des Réformés
Le système paroissial, partie délimitée du diocèse, ayant une église en propre et une population déterminée va se poursuivre. La Réforme ne détruira pas la paroisse, tout en en modifiant la compréhension : l’Église existe là où la prédication suscite la foi et rassemble la communauté. Ce n’est pas le territoire ou l’institution qui priment. Hors la communion et la solidarité, il n’y a pas Église. L’Écriture seule a autorité selon le témoignage intérieur du Saint-Esprit. Le ministère pastoral n’a pas qualité pour exercer le magistère.  La paroisse avec conseil presbytéral et pasteur, existe par le décret du 26 mars 1852. Ce système sera remis en cause au milieu du XXe siècle, car le territoire de l’Église s’est agrandi alors que le nombre de paroissiens s’est amoindri. La paroisse à l’image du village rural n’existe plus.  Elle rassemble les protestants résidant sur un territoire qui peut bénéficier d’une desserte pastorale. L’Église catholique réorganise également ses relais paroissiaux. Keller et Delteil considèrent que la paroisse est éclatée, composée de fidèles disséminés. Effectivement la paroisse rurale d’autrefois, regroupant la communauté dans un même village n’existe plus. Dans une ville, les membres de la communauté rassemblée viennent de tous les horizons et les autochtones sont la minorité. Cette dissémination des croyants est une chance à saisir.

Tous prêtres la Bible en main
Tous les chrétiens appartiennent vraiment à l'état ecclésiastique, il n'existe entre eux aucune différence, si ce n'est celle de la fonction. Nous avons un même baptême, un même évangile, une même foi, et sommes de la même manière chrétiens, car ce sont le baptême, l'évangile et la foi qui seul forment l'état ecclésiastique. Nous sommes absolument tous consacrés prêtres par le baptême. Enfin, sur le plan théologique, la doctrine du sacerdoce universel signifie que tous les fidèles sont prêtres. Leur baptême les consacre à la prêtrise. Il n’y a donc pas dans l'Église d'une part les religieux ordonnés qui forment le clergé, d'autre part les fidèles ordinaires qui constituent le laïcat. Dans la relation avec Dieu, et dans les rapports entre chrétiens, règne une complète égalité. Personne n'a de privilège ni de supériorité par rapport aux autres. Certes ! Les décrets de 1852 stipulaient qu’il y a paroisse là où l’État rétribue un pasteur. C’était donc le pasteur qui faisait la paroisse. Or si cela répond à une nécessité administrative, cela ne satisfait pas l’exigence théologique puisque pour la Réforme l’Église existe comme assemblée convoquée et constituée à l’initiative de Dieu. Souvenons- nous ! L’Église est là où la Parole de Dieu est annoncée et les sacrements correctement administrés. Cela peut donc se faire partout, même dans un quartier éloigné du centre-ville, à l’initiative des fidèles.

Le fonctionnement idéal
L’organisation de la paroisse peut prendre différentes formes disaient Luther et Calvin,  selon leurs ressources et les problèmes à résoudre.  L’épître aux Éphésiens ( Ch. 4 ) ne confond pas la constitution d’un corps ecclésial avec l’édification « du corps du Christ ». Il n’y a pas de modèle institutionnel, d’organigramme particulier. Le but est de mettre les croyants et la communauté en marche vers la plénitude du Christ. Le sacerdoce universel confié aux baptisés  leur confère une vocation de témoins de l’Évangile dans la société, dans leurs lieux de vie, et dans la dispersion. Ils sont membres de l’eklésia , famille œcuménique,  davantage que membres de l’église instituée.
 Ici l’Église est un rassemblement de « deux ou trois », sans temple, ni , sauf de passage occasionnel. « Un grand nombre de communautés disparaîtront si des hommes et des femmes n’acceptent pas d’assumer bénévolement, dans un collège d’anciens, des responsabilités pastorales ou d’enseignement »[3]. Là, dans une grande ville,  c’est une communauté offrant divers cercles d’activités fonctionnant de façon autonome, mais néanmoins fédérées, solidaires les uns des autres, tels qu’activités diaconales, chorales, cercles d’études divers, amitiés judéo chrétiennes, évangélisation, activités œcuméniques, formation théologique, etc …L’hôte de passage y est accueilli, invitéà un repas par deux ou trois fidèles disponibles qui lui présentent les activités offertes dans les divers cercles, lui en facilite l’insertion sans faire pression. Ces cercles sont traversés par l’influence des  courants, de réseaux comme ceux de l’ACAT, du Christianisme social, du groupe de prière, de la Mission Populaire, de la Cimade, qui élargissent l’horizon parfois bien au-delà de la paroisse.  

Sacerdoce universel et ministère pastoral
Le sacerdoce universel mis en avant par la Réforme donne aux fidèles un statut de relais. Ainsi en dehors et au sein des structures paroissiales des groupes vivent l’Évangile dans leurs lieux de vie, à la charnière de l’Église et du monde extérieur. Leur manière de vivre, leur rayonnement culturel peuvent s’efforcer d’imprégner le tissu social.
Le ministère particulier qu’est le ministère pastoral consiste à veiller comme un berger sur le troupeau ( Ac. 20,28) en assurant la prédication , l’interprétation des Écritures.  On peut distinguer deux rôles principaux : l’un personnel, l’autre plus collectif. Le danger est le cléricalisme conduisant au pastoro-centrisme et l’ecclésio- centrisme. L’ego du ministre peut facilement prendre la place du l’Esprit. Mais le rôle des laïcs est important« L’organe que Jésus a créé dans son Église par l’action de l’Esprit pour l’accomplissement de la tâche pastorale est le collège des anciens. Ce n’est pas à un homme isolé qu’il a entendu confier la conduite de son troupeau en chaque lieu, mais à un groupe d’hommes, collectivement responsables(…) La restauration du pastorat collégial, exercé par un véritable collège d’anciens, est une des premières conditions  du renouveau spirituel dont nos Églises ont besoin ».

Le pouvoir de la base
La notion de subsidiarité remonte dit Mottu[4], au droit ecclésial calviniste de la fin du XVIe. « L’idée est de laisser le plus de pouvoir possible à la base de l’Église. Les décisions doivent être prises au plus bas niveau possible. La responsabilité d’une action doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre ce problème d’elle-même. Quand les problèmes dépassent les capacités d’une petite entité, l’échelon supérieur a le devoir de la soutenir dans les limites du principe de subsidiarité. Chaque groupe d’individus est autonome dans la mesure où il est capable de résoudre les problèmes qui se posent à lui. Lorsque les problèmes dépassent ses capacités, il a besoin d’aide de la part de l’échelon supérieur. La légitimité du pouvoir vient toujours d’en bas.
« Les diverses couches de la société ainsi que les diverses communautés entre elles forment alors un système solidaire que le droit calviniste appelle une alliance. » La subsidiarité est au cœur du protestantisme qui veut rassembler sans imposer, réunir sans contraindre, faire alliance sans fusion ».

Pour un retour à la dynamique d’autrefois
Le retour à l’Église primitive composée d’un groupe d’émigrés,  membres du peuple de Dieu étrangers en séjour  ici ou là, voyageurs sur la terre, en situation transitoire (1 P 2,11 ; He 11, 13), vivant  dans l’attente eschatologique, dans le temps de la fin, est-il une utopie ? Un parallèle peut être fait entre la situation dans laquelle se trouvait l’Église primitive et celle de  l’Église aujourd’hui. Le chrétien vivait alors en se considérant comme un étranger habité par des convictions, des valeurs qui n’étaient pas celles du peuple dont il partageait pourtant la vie. De même aujourd’hui le chrétien dans l’attente du royaume à venir, peut souvent se sentir étranger dans son pays puisqu’il ne partage pas les valeurs du matérialisme, de l’idéologie financière, du mépris de la nature qui semblent aller de soi pour ses contemporains.
H.L.



[1] Gérard Delteil, Paul Keller, L’Église disséminée, Labor et Fides 1995

[2] E. Trocmé, Le christianisme primitif, un mythe historique ? » ETR 1974

[3] G. Delteil et P. Keller, ibid. page 247

[4] Henry Mottu, Recommencer l’Église ». Labor et Fides , 2011


« Religion et spiritualitéà l’ère de l’ego »[1]

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Vient de paraître « Religion et spiritualité ». Un coup d’œil sur cet ouvrage permet de se faire une idée de l’avenir des grandes Églises chrétiennes. Deux groupes de recherche suisse se sont associés pour répondre aux questions suivantes : quels sont les principaux types socioreligieux que l’on peut mettre en évidence dans la société ? Comment la religiosité et la sécularité de ces types se sont-elles transformées et comment expliquer cette mutation ?
Une enquête menée sur des centaines de personnes et pendant quelques décennies leur a permis de repérer quatre types socioreligieux et leur évolution: Les institutionnels qui représentent les fidèles militants engagés, les détachés enregistrés dans le groupe des séculiers ;  les distanciés,  chrétiens « sociologiques »sans grande conviction; et enfin  les alternatifs qui concernent les personnes  séduites par les spiritualités hors normes.
 - Ont donc été catalogués comme « institutionnels »  ceux qui accordent valeur à la foi, aux pratiques religieuses, qui croient en Dieu, à la vie dans l’au-delà». Un sous groupe important des « institutionnels » concerne les « évangéliques ».
-A l’extrême opposé, sont classés dans le type « séculier » celles et ceux qui n’ont aucune pratique religieuse, ne croient pas en Dieu, et pour lesquels  l’Église ne présente aucun intérêt, tout en étant parfaitement motivés pour la  justice. Un sous-groupe parmi ces derniers est constitué d’adversaires à la religion.
-Entre les institutionnels et les séculiers, nous trouvons  la masse des répertoriés comme « distanciés ». Ces derniers pensent et agissent selon des conceptions religieuses  et spirituelles, mais de façon superficielle. Pour eux il existe vraisemblablement  une certaine réalité supérieure, une énergie suprême à l’œuvre. Ils réfléchissent au sens à donner à la vie ;  ils se disent protestants ou catholiques, mais sur le papier. Ce sont des adhérents sans grande conviction, par tradition.
- Enfin un type forme un groupe un peu parallèle, appelé« alternatifs». On y  parle beaucoup plus de spiritualité que de religion, d’expérience spirituelle que de foi. Les alternatifs englobent  ceux qui croient par exemple en la réincarnation, au Karma, à l’énergie cosmique, au chakras, à la vertu bénéfique de certaines pierres, au reiki, au qi gong,à une pratique spirituelle du yoga, et à quantité d’autres formes d’exercices et de pratiques spirituelles.

Les pourcentages de ces différents types  sont représentatifs de la population suisse. :
-institutionnels : 17,5 % ; séculiers : 11,7 % ; distanciés : 57,4 % alternatifs : 13,4%.
Il est certain que les écarts devraient être plus grands en France par exemple, même si la tendance est sans aucun doute du même ordre.

Pour expliquer l’évolution des religions, plutôt que de prendre pour cause de l’évolution le choix de la sécularisation, ces chercheurs ont privilégié comme hypothèse de travail la théorie de la concurrence  entre les religions et la concurrence entre les offres de la société séculière et les religions.
Avant les années cinquante, un enfant obéissait à ses parents en allant au catéchisme au lieu d’aller au club de foot. La pression socio religieuse fonctionnait encore, ce qui donnait autorité au curé ou au pasteur pour qu’ils soient obéis en faisant pression sur les parents. Après les années soixante, ce serait plutôt l’enfant qui décide. On est passé, disent ces chercheurs, à la société de l’ego.  Et plutôt que de faire baptiser leur enfant, les parents hésitent et préfèrent laisser le choix à leur enfant de demander lui-même le baptême, une fois parvenu à l’âge adulte. On a en effet changé de monde. Les années soixante en marquent la fracture.
Avant les années cinquante, les religions se livraient à une certaine concurrence entre elles. Aujourd’hui, à part les évangéliques, elles semblent plutôt assez souvent s’associer et joindre leurs efforts pour faire front à la concurrence de l’offre séculière beaucoup plus séduisante. On passe plus facilement  à la réflexion œcuménique ou inter religieuse.

Il est possible de contester à cette étude d’avoir privilégié la concurrence comme cause déterminante de l’évolution de la religion alors que l’on pourrait très bien considérer que ce n’est qu’une conséquence de la sécularisation. L’intérêt de cette étude néanmoins,  est dans l’examen approfondi de l’évolution de chacun des types au fil des décennies passées, avec leurs caractéristiques. Les ministres des Cultes y trouveront avec précision, les attentes, les besoins religieux nouveaux de ces populations.

En conclusion apparaissent de manière très explicite l’avenir promis aux grandes religions et l’évolution prévisible de la réponse qui sera sans doute donnée aux besoins de spiritualité. Le cercle des « distanciés », ira s’agrandissant, car bon nombre d’entre eux iront rejoindre les indifférents à la religion, voire les adversaires. Les adeptes des spiritualités parallèles iront recruter d’autres adeptes dont un petit pourcentage basculeera dans le cercle ses « ésotériques », plus absolus dans leurs convictions. Quand aux « établis », qui désignent les militants « institutionnels » actifs dans leur Église, leurs rangs vont aller s’amenuisant, à cause de l’âge des militants actuels, du manque de ministres du culte, de l’absence de la transmission, et surtout de la pression de l’idéologie séculière. Un reste porteur d’avenir, tiendra sans aucun doute. Ce reste est le témoin porteur de l’avenir, de l’espérance. Il  sera constitué des convaincus, des fidèles engagés comme ce fut le cas des assemblées de maison dans l’Église primitive avant qu’elle ne devienne une Église instituée. C’est l’hypothèse positive à  la condition évidente de la capacité des ministres de du culte d’aider ces fidèles à ne pas verser dans la secte, mais au contraire dans une foi nourrie de la réflexion et de la raison. Si prêtres et pasteurs se soucient davantage de la survie de leur institution ou de leur carrière plutôt que de l’Évangile, ce sera le désastre. Cependant les évangéliques ne feront que croître, car le repli sur soi, le retour au passé archaïque obéissent aux mêmes lois que celles de l’intégrisme. Par peur d’affronter la modernité, le reflexe incite à se réfugier dans l’archaïsme du  passé comme l’explique si bien Olivier Roy[2].

H.L.

 



[1] Sous la conduite de J. Stolz, «  Religion et spiritualitéà l’ère de l’ego ». Labor et Fides 2015.  23 euros

[2] O. Roy, La sainte ignorance, ed. Seuil. 2008.

Trois étapes possibles du salut

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Nous vivons à l’époque du culte de la performance. Chacun, chacune est sommé d’exister par ses prouesses en faisant face aux challenges qui nous sont imposés. Le salut n’a plus sa place dans l’au-delà, mais ici bas, ici et maintenant, souvent par le paraître. Mais cela ne satisfait pas vraiment. Nous restons avec un arrière goût de manque.

Pourtant, se préoccuper des choses ultimes, des questions du sens à donner à l’existence est un premier pas vers la réponse qui se trouve dans l’évangile. Pourtant, malgré nous, Dieu peut intervenir dans nos vies car il est sans cesse à l’oeuvre. C’est ce que nous trouvons dans les évangiles.
 
Jésus était un jour chez Marthe et Marie. Marthe s’affairait pour que l’accueil soit parfait. Marie écoutait Jésus parler. Marie, se préoccupait « des choses ultimes » dirait Tillich. Marthe proteste et souhaite que Marie lui donne un coup de main. « Seigneur cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissée seule à faire le service ? Dis lui donc de m’aider ! ». Jésus répond : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses. Une seule chose est nécessaire. C’est bien Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas ôtée ».
Conclusion : la personne qui se soucie de trouver réponse aux questions essentielles, à celles qui donnent un sens à l’existence, est sur la bonne voie. Elle écoute. Elle va pouvoir cueillir « le salut ». (Luc10, 38/ss ) Ro. 10 « la foi vient de l’écoute et l’écoute vient de la Parole du Christ ».

 

Certains pensent que pour être certain que la réponse vienne bien du ciel, il faut ressentir une émotion qui laisse des traces comme si soudain l’on était en apesanteur. Il n’en est rien. Il suffit de faire confiance à la parole entendue telle qu’elle se trouve dans le texte. Dieu, car c’est bien de lui qu’il s’agit, intervient d’une façon très simple et directe. L’exemple est donné par Marie. Elle écoute et fait confiance. Il n’y a pas de tremblement de terre, d’aurore boréale, de miracle. Elle prend au sérieux ce qu’elle entend. La Parole de Dieu nous est adressée très simplement. Il suffit d’être réceptif pour l’entendre.  Il suffit alors que l’écoutant entende la réponse à la question du sens à donner à sa propre vie. Et voici quelle est la réponse : Il est inutile de chercher à tout prix le moyen de prouver que votre vie est hors norme, de céder au culte de la performance, de faire votre possible pour être reconnu par le monde entier. Sachez que vous avez une valeur infinie aux yeux de Dieu. Qui que vous soyez, blanc ou noir, jaune ou rouge, homme ou femme, peu importe ! Vous avez peut être une idée peu reluisante de vous-même. Vous doutez de vous. Vous vous sentez incompris ? Mal accepté ? Si vous écoutez bien, voici la Parole qui vous est adressée de la part de Dieu lui-même : Tel que vous êtes, Dieu a envoyé Jésus pour vous dire qu’il vous aime et compte sur vous pour que vous preniez ce qu’il vous dit au sérieux. Vous êtes « justifié » .

L’apôtre Paul fait part de ce qu’il a retiré de l’expérience qu’il a pu faire de sa rencontre avec la personne de Jésus Christ. Et voici ce que dit Paul : « Chaque fois que les gens comme vous se tournent vers le Seigneur, le voile tombe. « Le Seigneur, c’est l’Esprit sain. Et quand l’Esprit du Seigneur est présent, la liberté est là. Notre visage à nous tous est sans voile, et la gloire du Seigneur se reflète sur nous, comme dans un miroir. Alors l’Esprit du Seigneur, qui est l’Esprit, nous transforme. Il se rend semblable à lui, avec une gloire toujours plus grande ». (2 Co. 3, 18 )

C’était la première étape. Le sujet concerné n’a qu’une chose à faire : accepter d’être accepté. Il est « justifié », considéré acceptable malgré ce qu’il a pu faire ou ne pas faire. Il laissera alors l’Esprit agir en lui. C’est simple. Il suffit de se mettre à l’écoute de ce qui vous dépasse, de ce qui est au-delà de vous. En fermant les yeux, comme assoupi, mais en fait très centré sur ce qui peut survenir dans votre vie. C’est une prière. Il n’y a qu’à se laisser faire. C’est alors que se produit la deuxième étape. L’Esprit de Dieu vous pénètre, vient habiter en vous.

 «Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé. Voici qu’une nouvelle réalité est passée. » ( 2 Co. Chapitre 5 ,17-20)

Le vieux de votre personne toute entière est recyclé. C’est du neuf qui apparaît. Les évangiles rapportent nombre d’exemples de cette régénération. Dans Luc, au ch. 7, Jésus guérit un esclave auquel son maître tenait beaucoup. Il s’agissait sans doute d’un homosexuel. Comme quoi le salut s’adresse à tout le monde, même à un homosexuel. Plus tard, une prostituée vient lui demander secours, et il la remet d’aplomb, en lui redonnant une image positive d’elle-même. Il rencontre encore un malade mental vivant dans un cimetière, rejeté par tout le monde. Il lui parle, et là encore, le remet debout, capable d’agir en homme libre. Il y a bien d’autres exemples de cette libération, de cette régénération  accordée par Dieu en la personne de Jésus Christ. Jésus  ne demande jamais à tous les réprouvés qui l’appellent de réciter leur catéchisme, de dire ce qu’ils croient ou pas. Il ne vérifie pas s’ils sont de la bonne religion, s’ils font les rites qui conviennent pour que Dieu les accepte. C’est bien ce que Paul dit encore.

«car ce qui importe, ce n’est ni la circoncision, ni l’incirconcision , ce qui compte c’est ce que Dieu nous crée à nouveau». (Galates 5, 15 )

Être circoncis signifie faire partie du cercle de celles et ceux qui ont la bonne religion. Les Juifs pensent en effet que la circoncision est essentielle pour faire partie du peuple élu, parce qu’il a fait alliance avec Dieu. Beaucoup de musulmans croient également que leur religion est la seule à détenir la vérit. Mais  Il y a des chrétiens qui pensent de la même façon que seuls sont qui sont membres de leur église seront sauvés, comme s’ils étaient circoncis.
D’autres qui ne croient pas, qui ne sont donc pas circoncis parce qu’ils ne sont d’aucune religion, croient qu’ils vont accéder à« la vie bonne » justement parce qu’ils sont intelligents, rationnels, et savent bien que Dieu n’existe pas.
Or ce qui importe,  ce qui compte, c’est que Dieu lui même intervient, sans se soucier de savoir si on est circoncis ou non, si on fait partie de la bonne église ou pas !

Oui ! 2 Co. 5, 17 : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé. Voici qu’une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation ».

Il y a une action commune, une synergie entre la volonté divine et la volonté humaine. C’est la troisième étape. L’Esprit agit en l’individu pour lui permettre d’ être en phase avec l’énergie qui est venue d’ailleurs. Il ne reste plus qu’à agir en accord avec cette suggestion divine.

2 Co. 6,1 : « Puisque nous sommes à l’œuvre avec lui, nous vous exhortons à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu ».

Il convient donc de coopérer à cette action de l’Esprit en nous. L’individu réconcilié avec Dieu, l’est alors avec lui-même. Réconcilié avec lui-même, il est disponible pour se réunir fraternellement à l’autre, et devenir agent de réconciliation.  
 
Et cela débouche en conclusion sur la profession de foi de Picon dans laquelle tous peuvent se retrouver[1]en vivant de  la spiritualité du protestantisme libéral :

« Tel que je suis et tel que je suis avec Dieu, c'est-à-dire continuellement recréé par lui, aimanté vers le meilleur de soi-même, attiré et en lutte vers un monde et une existence plus stimulante et plus épanouis. Être chrétien, être libre de pouvoir dire « je » avec et devant Dieu, c'est forcément associer l'Évangile à la liberté. Un Évangile sans liberté serait une loi tyrannique. Une liberté sans Évangile risquerait d'être sans amour. Le protestantisme libéral, ne prétend pas être un meilleur christianisme. Il œuvre à rendre le christianisme possible. Il libère celui-ci de l'esprit d'orthodoxie qui trop souvent l'étouffe. Il préfère les questions ouvertes, celles qui rappellent que la vérité est toujours objet de recherche et de désir, aux réponses fermées et définitives qui contrarient la pensée. Il confesse un Dieu sans barbe, libéré de ses oripeaux mythologiques qui bêtifient la foi. Il lutte contre l'obscurantisme religieux, le fondamentalisme et le sectarisme, n'ayant de cesse de rappeler que le Christ est l'utopie réalisée d'un être nouveau, libre, aimé. Une fois pour toutes et pour toujours. Être un protestant libéral, ce n'est pas être un meilleur chrétien, un chrétien plus éclairé, plus ouvert et plus généreux, c'est essayer d'être chrétien »

H.L.  

 

 



[1] Raphaël Picon, Oratoire du Louvre

Comment le chrétien hors du monde a atterri ici bas !

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Le chrétien marchait sur terre, mais avait le cœur dans le ciel
Louis Dumont[1] l’affirme :  « Il n’y a pas de doute sur la conception fondamentale de l’homme né de l’enseignement du Christ : comme l’a dit Troelsch, l’homme est un « individu-en-relation-à– Dieu », ce qui signifie, à notre usage, un individu essentiellement  «  hors du monde ».Il y a 2 000 ans, le chrétien est convaincu que notre monde est complètement dépendant du monde d’en haut. Dieu est pensé, imaginéà l’image du roi ou de l’empereur tout puissant. Cet autre monde dicte ses lois au nôtre.  A l’époque, l’individu est convaincu d’être totalement immergé dans un univers dépendant d’une autorité suprême qui régente les lois de ce monde. Ce qui compte, c’est le tout, le collectif, l’interdépendance de chacun. L’individu n’existe que par  la place et le rôle qui lui a été attribué. Être en relation  à Dieu, c’est délibérément ne plus être de ce monde-ci. C’est avoir le cœur au ciel tout en marchant sur terrre.

Première étape vers  le monde d’en bas
 Quand en l’an 315,  l’empereur Constantin se convertit au christianisme et que son successeur Théodose élargit encore la place faite à l’Église dans la cité, le chrétien s’insère dans ce monde. Un  peu plus tard, Augustin ( 354-430) fait avancer la réflexion. Il  considère qu’un État qui ne respecte plus la justice n’est pas un État. La loi divine doit s’imposer ici bas. L’État est subordonnéà l’Église. Désormais on ne pensera plus que le Royaume est à projeter dans l’avenir, dans l’attente du  retour du Christ, mais qu’il faut œuvrer pour l’installer sur terre dès que possible. Ainsi, quand l’Église prétend régner sur le monde, c’est l’individu qui est de plus en plus engagé ici bas. Le pape Gélase au V e siècle édicte le fait que le prêtre est sous l’autorité de l’État quand les affaires concernent l’ordre public, mais que le roi doit obéir au prêtre pour ce qui est des affaires divines. En fait ce partage des rôles ne sera guère respecté. La lutte entre la papauté et la royauté fut acharnée. Au VIIIe siècle le pape Étienne II confirme le roi Pépin dans sa royauté. 50 ans plus tard, Léon XIII couronne Charlemagne empereur à Saint Pierre de Rome. Finalement ce sera Charlemagne qui dirigea l’Église.  

Avec Calvin , l’individu n’est plus au ciel
Luther et Calvin sont sur la même ligne en ce qui concerne le salut fondé sur l’acte que Dieu accomplit dans chaque individu sans aucune médiation. Mais la Réforme est partagée entre Luther et Calvin. Luther, plus contemplatif,   abandonne toute activité politico sociale à l’État. Calvin par contre règnera sur Genève en véritable homme d’État. Il  va ancrer davantage encore l’individu dans le monde. La cité chrétienne est l’objet sur lequel porte la volonté de l’individu. Devant l’omnipotence de Dieu, l’individu est impuissant. Certains bénéficient de la grâce. Ils sont prédestinés. Les autres n’en bénéficient pas, mais ils en sont dans l’ignorance. Les uns et les autres doivent contribuer de toutes leurs forces à la volonté divine. Le Royaume est àédifier sur terre grâce à l’effort de tous. En quelques siècles, l’homme a atterri. Son cœur n’est plus dans le ciel, mais bien ici-bas.

Puis le monde d’en haut s’effrite
Par la suite les débuts de la science exacte inspirent confiance et espoir. La nature suit ses propres lois. Psaumes de pénitence, eau bénite sont moins efficaces que le paratonnerre.  Au dix-huitième les Lumières amorcent la prise de conscience de l’autonomie. L’homme se libère de sa dépendance à l’égard de l’omnipotence divine. Pendant deux siècles, avec l’industrialisation, la population a placé tous les espoirs dans le progrès. Avec la sécularisation, l’Église est peu à peu dépossédée du pouvoir qu’elle exerçait sur la société. Les églises se vident. L’athéisme moderne a pris naissance avec le développement de l’individualisme qui a priorité sur la société. Le monde d’en haut ne régente plus le monde d’en bas.

La post modernité
Rien donc ne permettait de penser qu’il y aurait une sorte de retour du religieux. Or voici qu’après deux guerres effroyables, après la désillusion des utopies socialistes et Hiroschima,  la crise de 1960 annonce  la post modernité. Les chercheurs et les philosophes utilisent les armes de la critique mises  à leur disposition par la modernité pour en contester les effets. Devant le vide, l’individu autonome et  dans la solitude, cherche par lui-même une issue. Soit, il satisfait au culte de la performance et tente alors par tous les moyens de donner par lui-même  un sens à son existence, au risque d’y laisser la vie.  Soit il  développe un retour aux religions orientales, ou  à toutes sortes de religiosités placées dans des techniques censées permettre un épanouissement de ses potentialités. Il croit à sa façon sans être inféodéà une quelconque institution religieuse. Il croit sans appartenir.

Les formes multiples de la religiosité
                Certains croyants restent fidèles à leurs convictions. Ils ne cèdent pas aux courants défaitistes. Ce reste cultive un certain reniement du monde et cherche à se fondre mystiquement dans une relation-à-Dieu analogue à celle que vivaient les premiers chrétiens. Ce sera la clientèle des pèlerinages. Les retraites en monastère ont du succcès.
                D’autres recherchent l’émotion exaltée et partagée en communauté, avec des chants, des prières, et parviennent à se convaincre par une auto hypnose qu’ils sont habités par l’Esprit. Ils pratiquent une lecture fondamentaliste de la Bible, rejettent les effets de la modernité et vivent dans ce qu’O. Roy appelle « la sainte ignorance »[2]. Ils grossissent les rangs des évangéliques et des pentecôtistes en expansion.
                Enfin un autre reste  s’en tient à l’expérience existentielle de sa rencontre avec la personne du Christ tel qu’il se révèle dans les Écritures. Cela  permet à l’individu de trouver pour lui-même ce qui donne sens à la vie. Il cherche à formuler sa croyance, sans crainte de faire appel à la raison, tout en sachant qu’aucun « je crois », qu’aucun dogme ne parviendra à cerner la réalité divine.
                L’éthique fondée sur les évangiles est le chemin sur lequel s’engage le chrétien qui ne se dérobe pas et veut assumer sa part de responsabilité dans la marche du monde. L’éthique est en effet une des nouvelles voies possibles de la quête spirituelle.
                Peut-on s’en tenir  à la seule relation personnelle avec Dieu et  ignorer la solidarité,  la dimension socio politique du salut ? La lutte contre les indulgences proclamée par Luther en 1517 pourrait s’exercer aujourd’hui contre les indulgences aux effets dramatiques sur les plus faibles et sur la planète, indulgences  offertes par les épigones du néolibéralisme aux plus riches parmi les riches.

H.L. Le 12/05/2015

 

 



[1] Louis Dumont, Essais sur l’individualisme, Seuil 1983.

[2] Olivier Roy, La sainte ignorance, Le Seuil, 2008.

Aperçu religieux des laïcités françaises

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De la lecture du livre de Jean Baubérot, les 7 laïcités françaises, il ressort que chacune de ces laïcités est t l’expression d’un sentiment religieux, et traduit une relation particulière de l’individu à Dieu et à la religion.

La laïcité antireligieuse qui s’est développée depuis les années 80 est un combat contre toute religion. Moins on est religieux, plus on est laïque. Et en définitive, la laïcité devient une religion. Le laïque antireligieux particulièrement intolérant, considère a priori le croyant comme sectaire et intolérant. Il se croit démocrate. Il ne l’est pas, car, viscéralement opposéà Dieu, il est contre la liberté de penser des individus.

La laïcité gallicane s’efforce de mettre Dieu et la religion sous sa coupe. Ce fut la stratégie de Charlemagne vis-à-vis du Vatican. L’État se donne le droit d’intervenir dans les affaires religieuses. Le gallican veut ôter sa robe au prêtre et leur voile aux musulmanes.  Lui non plus n’a guère la fibre démocratique quoiqu’il en dise. Les laïques gallicans s’opposèrent longtemps au vote des femmes, craignant qu’elles ne soient capables de s’affranchir de l’autorité cléricale.  Affirmer sa particularité,  porter un signe distinctif est proscrit. Il leur faut imposer l’universel. L’école est dévolue à l’universel. Et si l’école ne défend pas l’universel, c'est-à-dire la République, elle détruit la France. Cette laïcité s’oppose finalement à la liberté de conscience.

La laïcité identitaire, autrefois de gauche, est passée à droite grâce aux efforts de Sarkozy et de Marine Lepen. Ce glissement a commencé avec la loi autorisant en 1959 le financement par l’État des écoles privées. Ensuite  Sarkozy  adopta la thèse selon laquelle les racines de l’Europe sont chrétiennes. Il affirma la supériorité de la religion chrétienne sur la morale laïque. La laïcité est alors devenue  un marqueur culturel de l’identité française. L’État pouvait imposer des limitations à la liberté de conscience au nom de l’identité française. Ici Dieu est utiliséà des fins politiques.

La laïcité séparatiste est un héritage d’Aristide Briand et de Buisson. Ils voulaient réussir la séparation de l’Église et de l’État sans que cette séparation soit inacceptable pour les catholiques. Ils opérèrent la séparation de l’Église et de l’État dans le cadre de la liberté de conscience, en incluant le libre accès aux cultes.
Aujourd’hui les défenseurs de cette laïcité séparatiste de 1905  sont la Libre pensée et la Ligue de l’enseignement. Ils s’opposent naturellement autant à l’autorité religieuse qu’aux positions d’Onfray, partisan de l’État athée. Logiquement ils sont contre le voile et contre son interdiction. Ils sont  favorables à l’enseignement laïque du fait religieux tout en affirmant le rejet de toute affirmation militante de croyance ou de non-croyance.  Dieu n’existe pas. C’est l’individu qui est déterminant.

La laïcité ouverte a été prônée par Ricoeur et André Philipp qui s’opposèrent aux gallicans qui souhaitaient instaurer le monopole d’État sur l’enseignement.
 -La Fédération protestante de France affirme son attachement à une laïcité ouverte entachée d’aucun sectarisme clérical ou anticlérical. Il s’agit d’une laïcité qui offrirait à chacun les conditions d’un choix  individuel. La laïcité ouverte s’élève au-dessus des particularismes tout en les respectant. Les protestants déplorent que les associations cultuelles ne doivent avoir pour objet que ce qui relève du culte, à l’exclusion même des activités de bienfaisance des paroisses.
-En 1945 l’Épiscopat était de fait favorable à ce que l’État exerce  la souveraineté en son domaine temporel, et accepte que chaque citoyen puisse pratiquer librement sa religion. L’Église rejette la « laïcité d’État » porteur selon elle, d’une conception matérialiste  et athée imposée aux fonctionnaires et finalement à la Nation. En fait les évêques considèrent qu’une loi votée à la majorité  ne contient pas obligatoirement le respect de la loi naturelle qui doit s’imposer à tous les hommes ! L’Église catholique « se donne le droit d’édicter des règles morales supérieures aux décisions de la société politique et juridique, concernant hommes et femmes quelque soient leurs croyances ». [1] Ce sera la même position prise contre le mariage pour tous.  Cet attachement du catholicisme à cette doctrine stoïcienne et non biblique est étrange.

La laïcité concordataire est celle qui est pratiquée en Alsace Moselle. Elle maintient le Concordat de 1802 et permet donc que l’État ait la charge des salaires des prêtres et des pasteurs, que l’enseignement religieux soit obligatoire dans les établissements scolaires. Des dérogations à la laïcité sont également pratiquées en certains pays d’outre-mer. C’est le prix payé aux passés historiques et culturels. L’État cautionne et soutient les religions sans  en privilégier aucune. On est revenu ici au règne de l’empereur Constantin qui convoqua le premier Concile et à Napoléon. La justification est seulement politique.

Conclusion : Ces différentes formes de la laïcité sont une déclinaison des différentes conceptions de la liberté. La liberté de conscience individuelle, la liberté de croire ou de ne pas croire et de pouvoir le dire est  héritée  de l’évangile. Cette liberté se heurte autant à la religion qu’à une dérive de la religion de la laïcité.

H.L.  26/05/15

 



[1] J. Baubérot, « Les 7 laïcités françaies » 2015 , p. 96

L’avenir prévisible du christianisme

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Introduction

Dans quel type de chrétien vous situez vous ? Parmi les militants engagés ? Les distanciés ? Les « alternatifs » branchés new-âge ? Les « séculiers » indifférents ou anti ? Votre réponse répond à la question : « quel est l’avenir prévisible du christianisme? ». Une enquête menée en Suisse par une équipe de sociologues[1] dont les résultats sont publiés dans « Religion et spiritualité de l’égo »  permet de se faire une idée de l’évolution possible du christianisme en Europe.

Les plus de 60 ans ont vécu sous une pression religieuse sociale qui a déterminé leur mode d’adhésion à leur Église.

La pratique religieuse des anciens, des plus de 60 ans, était dans la norme : Baptêmes, confirmations, enterrements, participation à la vie de l’Église  étaient nécessaires à la vie sociale. La fréquentation de la messe ou du culte allait de soi. Les enfants avaient l’obligation naturelle de suivre un enseignement religieux. Le pli était pris. L’adhésion à l’Église allait de soi. Cette socialisation religieuse était encore une évidence dans les années 50. Les parents intervenaient souvent dans le choix du conjoint. Le prêtre et le pasteur étaient des ressources d’orientation pour les problèmes personnels. Les fiancés ne vivaient pas ensemble avant le mariage.

Les moins de 60 ans ont aujourd’hui une pratique religieuse individuelle

À partir des années 1960, on bascule dans une autre société. Les gens sont beaucoup moins socialisés religieusement. Participer à la vie de son église est une option individuelle, un choix personnel aussi bien pour les parents que pour les enfants. Le choix du baptême est laissé aux enfants quand ils seront adultes disent les parents. On consultera plus facilement un thérapeute qu’un prêtre ou un pasteur pour les problèmes personnels.
Sur le plan théologique, quantité de convictions sont remises en question. La toute-puissance de Dieu, la notion du sacrifice du Christ payéà Dieu pour payer le prix du péché, la réalité des miracles, etc. ne sont plus aussi facilement acceptées. La dérive séculière est en marche.
En 1960, grâce à la pilule contraceptive, une révolution sexuelle s’installe ; on se libère peu à peu des normes religieuses. Les jeunes gens vivent en couple avant de se marier.  À partir des années 70, les rôles de genre, d’homme et de femme ne sont plus aussi clairement assignés. Hommes et femmes jouissent de plus en plus des mêmes droits.

 

Les différents types de population

L’ enquête portant sur environ 2600 personnes a été faite sur les mêmes personnes à 10 ans de distance, de 1989, à 1999 , puis 2009 pour savoir comment avaient évolué leurs pratiques et croyances religieuses. Cette enquête faite en Suisse a permis de repérer quatre grandes familles classées en différents types : type établi, type distancié, type séculier, type spiritualiste (ou alternatifs). On peut penser que les résultats seraient à peu près les mêmes en France.

En 1, le type des « établis », qui font partie de l’institution. Il comprend les membres actifs, affiliés aux Églises catholiques ou protestantes. Ce sont les convaincus.  Ils concernent 17,5 % de l’échantillon de l’enquête. Ils croient en un Dieu unique, personnel. Dieu et Jésus Christ comptent beaucoup pour donner un sens à leur vie. Ils prient,  72 % vont aux cultes ou à la messe au moins une fois par mois.
Il faut mentionner un sous-groupe de plus en plus important, les évangéliques qui font partie de cet échantillon. Ces derniers sont très critiques envers les attitudes séculières et athées.

En 2,  les croyants sur le papier, baptisés, classés dans le groupe des « distanciés » :  57,4 %de l’échantillon. Ils n’ont pas rayé la religion de leur vie. Ils ont simplement pris leurs distances. Ils ne croient pas à rien. Ils pensent et agissent en laïcs, selon des conceptions religieuses et spirituelles. Ils réfléchissent au sens de leur vie, mais sans entrer dans le détail des dogmes et des croyances. Ils peuvent aller à l’Église à l’occasion de fêtes, assister de temps à autre à un service religieux. Ils pensent qu’existe un pouvoir supérieur que l’on peut nommer Dieu. Ils participent financièrement de moins en moins à la vie de leur église. Ils sont sensibles à la chaleur humaine du pasteur ou du prêtre et s’il sont froids, distants, hommes de l’institution, ils coupent tous liens avec l’Église.

En 3, « les séculiers »(11,7 %).C’est le groupe qui présente le moins de convictions religieuses. Seuls 2 % d’entre eux croient que Dieu s’occupe des personnes ; ils refusent non seulement les croyances chrétiennes, mais aussi les croyances alternatives, spiritualistes.
Deux sous groupes se distinguent : les « indifférents » et les adversaires de la religion.
-Les indifférents
ne croient pas en Dieu, en la vie après la mort. Ils croient en l’humain, en ses capacités, en la nature. Ils n’ont aucune pratique religieuse. Quand ils visitent une église, c’est pour eux une visite de musée.
-« Les adversaires de la religion ». Antireligieux, pour eux il est important de refuser explicitement la religion qui, est à leur avis « une histoire de bonne femme ». Ils s’opposent à l’Église et aux religions, avec parfois un zèle antireligieux presque missionnaire.

En 4, les « spiritualistes » ou les
 alternatifs : (13,4 % de l’échantillon). Ils ont des croyances et des pratiques plus ou moins ésotériques. Ils parlent plus de spiritualité que de religion. Ils s’intéressent par exemple à la loi du Karma, aux énergies cosmiques, aux pouvoirs des maîtres secrets, aux forces bienfaisantes des pierres, des plantes, aux techniques de divination, de guérison spirituelle, aux techniques de respiration, au yoga, au taïchi, à la méditation, etc. Leur spiritualité est très diversifiée. Leurs influences sont orientales, jungiennes, écologiques, hindoues, chrétiennes. Pour eux, les sphères du divin et du monde forment une unité. Ces personnes sont centrées sur leur propre développement personnel.

Parmi les spiritualistes se trouvent les « ésotériques » dont la caractéristique est de pousser à fond l’expérience de la transcendance qui, pour eux, se trouve partout. Ils vivent dans un monde dans lequel il y a des messages spéciaux, des visions, des secrets.

Les raisons de cette évolution

Les auteurs de l’enquête tablent sur la concurrence entre églises, puis entre églises et société séculière. Il semble toutefois qu’ils y aient d’autres causes à cette évolution comme la sécularisation héritée des Lumières, les progrès de la science qui ont incitéà croire plus à l’effet d’un paratonnerre qu’aux prières et aux processions pour éviter les effets néfastes des orages entrent en jeux, la révolution industrielle et les effets du néolibéralisme favorisant l’individualisme, en bref les effets de la postmodernité. La pression sociale de la religion a presque totalement disparu en occident. La transmission ne s’effectue plus aussi facilement vu les offres ludiques  à la jeunesse hors églises (sports, musique, ciné, etc.).  Pratiquer sa religion est devenue une option individuelle, un choix personnel.

-Il est vraisemblable que le groupe des distanciés va s’étoffer d’année en année.
-On peut penser que les évangéliques vont encore se développer, compte tenu du désarroi collectif des personnes perturbées inconsciemment par le changement actuel de la civilisation, par les effets de l’ultra-modernité.
-Les « établis », les convaincus actifs vont être de plus en plus certains de leurs raisons de croire et d’agir. Ils vont sans doute approfondir individuellement leur spiritualité et leur réflexion théologique. Ils seront peut être capables de réinsérer des « distanciés ».
-On peut constater une individualisation des convictions. Chacun se forge sa croyance. -L’Église catholique s’adapte à cette demande et démultiplie les offres, que ce soit de pèlerinages, de retraites, de voyages spirituels.
-Il n’y a plus l’adhésion communautaire à la même foi d’autrefois.
-On peut penser que les fidèles à leur foi et à leur église vont cheminer à l’image des chrétiens de l’église primitive, réunis en assemblées de maisons ou en petites communautés animées par des prédicateurs laïcs, des pasteurs et des prêtres exerçant leur ministère à mi-temps, vu l’impossibilité pour les institutions actuelles de se maintenir encore longtemps financièrement sur leurs bases actuelles, si ce n’est dans les grandes agglomérations. C’est une première raison d’espérer dans un renouveau positif.
 -Il est évident que les prêtres et les pasteurs qui fonctionneraient encore  en s’identifiant aux prêtres et pasteurs d’autrefois, croyant peut-être que le salut est dans la sauvegarde de l’institution et non dans la communion de l’assemblée, sont décalés, inadaptés, artisans de la décrépitude.

Le cercle evangile et liberte en Isere

 



[1] Sous la conduite de J. Stolz, « Religion et spiritualitéà l’ère de l’ego ». Labor et Fides. 2015. Nous n’avons pas exposé les thèses de l’ouvrage, mais simplement pris les conclusions. Leur hypothèse pour expliquer les causes de cette évolution est la concurrence et non la sécularisation.

La transition fulgurante.

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N

ous vivons actuellement une transition fulgurante nous dit Giorgini[1]. L’actuelle crise économique, financière, sociale, environnementale est due à la transition imposée  par une nouvelle révolution technoscientifique. Grâce en particulier à l’électronique, l’homme coopère avec les machines d’une façon différente de celle du passé qui était linéaire, mécanique, du haut vers le bas, centralisée avec un seul point de décision.  Cette pensée mécaniste était efficace au temps de l’ère industrielle. Nous sommes passés aujourd’hui au mode coopératif, maillé. Chaque élément, chaque individu sont à la fois client et serveur, client et acteur. Avec la révolution technoscientifique et l’usage d’internet, l’information est répartie en réseaux de façon beaucoup plus efficace et économique que par le passé.


Bla-bla-car a plus de 20 000 adhérents. Exemple de son fonctionnement : J’ai besoin d’aller de Grenoble à Paris ? Je vais sur un site et formule ma demande. Un voisin qui possède une voiture et va lui-même à Paris, lit mon message. On se met d’accord sur l’heure, le lieu de rendez-vous, et le prix convenu.
Uber pop met les taxis en péril. Le client trouve via le site, la voiture disponible près de chez lui. Ils se donnent rendez vous à une adresse indiquée.  L’organisation des taxis repose sur un monopole centralisé. Cette organisation est vouée à la mort. Comme le fut le minitel face à Internet.

Wikipédia mis à la disposition de tous, vit et s’enrichit  grâce à l’apport de tous, à la fois client et acteurs. Les partis politiques cherchent un second souffle. Ils sont dépassés par une démocratie participative qui plutôt que de faire confiance à la démocratie par délégation, préfère utiliser les réseaux sociaux. C’est ainsi qu’une femme peu connue a finalement étéélue maire de Barcelone.

Des réseaux solidaires commencent àémerger. Giorgini explique comment  « un besoin se fait jour- par exemple aller chercher les médicaments d’une personne âgée isolée- une mission est lancée sur un réseau communautaire. Elle peut être prise par n’importe quel membre du réseau qui passe à la fois devant la pharmacie et le domicile concerné. L’ordonnance ayant été envoyée au préalable par Internet, à la pharmacie qui s’est engagée à préparer la commande dans la demi-heure. ..La personne ayant pris la mission, s’arrête peu de temps devant la pharmacie et dépose les médicaments chez la personne concernée ».

Ce changement de paradigme, cette refonte du mode de fonctionnement conviennent parfaitement au protestantisme vu sa conception du sacerdoce universel.  La paroisse centralisée, dépendant d’un pasteur devenu au mieux ou au pire, « chef charismatique » dictant aux uns et aux autres sa conduite, ses convictions, voire ses croyances, ou sa façon de lire la Bible n’a pas cours. Le ministère appartient à la communauté dans son ensemble, ce qu'indique bien la doctrine du sacerdoce universel. Nous sommes tous des laïcs, y compris les pasteurs. Le sacerdoce universel, signifie que chacun est son propre prêtre; chacun est prêtre pour lui même, parce qu'il a accès directement à Dieu et au Christ, et n'a pas besoin d'intermédiaire. Chacun peut présider la cène, et baptiser, annoncer la Parole, être prophète[2].

 

Ce renversement de paradigme est une occasion à saisir pour l’avenir. Une seule crainte, l’attachement viscéral des traditionalistes attachés aux principes de fonctionnement archaïques ou au goût du pouvoir des « fonctionnaires institutionnels de Dieu ».
Mais bientôt viendra le temps où le prédicateur imitera Michel Serres qui fait son cours en tenant compte du fait que ses étudiants ont pris soin d’étudier à l’avance sur internet le sujet du cours prévu. Il répond à leurs questions, utilise leur apport personnel pour enrichir son exposé. La prédication deviendra alors un échange construit par tous, chacun devenant acteur et non pas seulement bénéficiaire passif. 


H.L.

 

 



[1] Pierre Giorgini, « La transition fulgurante », ed. Bayard. 2015

[2] Une fois les Ninivites convertis, Jonas peut rentrer chez lui. Ils n’ont plus besoin de prophète, ce qui le désole.

La participation à la création

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Devant un lever de soleil à l'horizon, devant la beauté du spectacle du monde qui se réveille, on se demande: « mais qui a fait tout ça? Comment est-ce possible? Et moi qui contemple le spectacle, qui m'a permis d'être là »? L'on se pose alors la question: l’univers existe-t-il depuis toujours? Est-il habité par un esprit? Par une puissante énergie toujours à l'œuvre?
C'est ce que pensait Zénon le fondateur de l'ancien stoïcisme fondé vers 315 avant Jésus. Christ. Zénon pensait que seule existait la matière capable d'agir. Il pensait que cette matière est animée par un principe corporel, qu'il appelait l'âme, et que cette âme pénètre subtilement les éléments qui composent l'univers et en assure la cohérence et la cohésion. Spinoza, un philosophe du dix-septième siècle, pensait un peu la même chose. Il disait « de Dieu, c'est à dire la nature, découle par la seule nécessité naturelle tout ce qui existe ».


Les juifs et les chrétiens ne croient pas du tout cela. Pour eux, qui s'en tiennent à ce que dit la Bible, c'est Dieu le créateur de l'univers entier.

L'ennui c'est que dès le premier verset du livre de la Genèse, à la première page de la Bible, nous trouvons deux affirmations contradictoires. Nous avons tout d'abord : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre ». C'est effectivement l'affirmation que Dieu a créé l'univers à partir de rien. Mais immédiatement après nous avons cette affirmation opposée « La terre était informe et vide. L'esprit de Dieu planait au-dessus des eaux ». Cela correspond à l'idée que l'univers existait déjà et que Dieu y est intervenu pour mettre de l'ordre dans le chaos primordial qui préexistait. En effet la suite du premier chapitre du livre de la genèse explique comment Dieu met de l'ordre dans « le tohu-bohu » qu'était alors l'univers. Il sépare par exemple le jour d'avec la nuit, la mer de la terre, il crée entre autres les étoles et le soleil, et finalement l'homme.

 

Le christianisme, je devais plutôt dire l’Église, a eu intérêt à garder l'image d'un Dieu tout puissant puisque c'est de son autorité qu'elle a tiré son pouvoir sur les fidèles. Luther et Calvin, tout comme leurs prédécesseurs Augustin et Thomas d'Aquin, ont affirmé avec force l'hyper transcendance de Dieu. La réforme a fait reposer sa révolution contre l'Église catholique sur la notion fondamentale du salut par la foi. C'est Dieu qui dans sa bonté accorde le salut. Ce n’est pas l'homme qui peut l'obtenir par ses œuvres.

 

Darwin avait provoqué le plus grand trouble quand il avait démontré que tout dans la nature est le résultat d'un hasard initial présidant aux lois de l'évolution. Monod avait provoquéà son tour un séisme en publiant son livre « Le hasard et la nécessité ». On pouvait déduire de cet ouvrage que le monde est livréà l'absurde puisqu'il n'y a pas de but à la création, car seul le hasard est la cause de ce qui survient. Le chrétien se trouve dès lors confrontéà une obligation: trouver la source d'un salut, d'un sens à l'existence si Dieu n'y est pour rien. Il semble que c'est seulement dans l'évangile, dans certains propos de Jésus que se trouve peut-être la réponse. Michel Théron[1] cite à ce propos le verset de l'évangile de Luc « le royaume de Dieu est au dedans de vous ». Serait-ce finalement dans l'homme que se trouverait la réponse et non par un don venant de l’extérieur? La réflexion de Gilles Bourquin analysant la réflexion de Georges Simmel est une piste à suivre.

 

Luther affirma que les œuvres de l'homme ne peuvent lui apporter le salut qui est action exclusive de Dieu. Il est difficile à l'être humain de croire à son salut puisque Dieu seul en est la cause et que l’homme n’a pas directement conscience d’être impliqué. Il lui est de ce fait, difficile de vivre en participant à l'actualisation dans la vie terrestre du salut octroyé par Dieu. Calvin compléta Luther en insistant sur la nécessaire obéissance à Dieu, obéissance attestée par une bénédiction concrète. La réflexion de G. Bourquin[2] appuyée sur la théologie de Simmel, donne prise à une participation du sujet au salut dont il bénéficie, sans pour autant céder à l'idée selon laquelle le sujet contribue à son salut par les œuvres. L'idée est la suivante: Dieu accorde par sa grâce qu'une force agissante, disons l'Esprit, pénètre l'individu pour qu'il puisse, s'il le souhaite, trouver en lui les ressources suffisantes pour répondre positivement au don fait par Dieu. Assurée alors de bénéficier de l'aide divine en lui, une énergie immanente, intrinsèque, permet de répondre à l'invitation divine.

Quand on sait l’importance accordée aujourd’hui au projet de l’individu de se réaliser, de devenir « soi-même », d’actualiser ses potentialités, de « réussir sa vie », l’intérêt de cette hypothèse est évident. Au lieu de céder au culte de la performance, c’est un crédit pour l’approfondissement de la spiritualité.

La théologie du process développe une théologie panenthéiste. Dieu est présent en toutes choses et en toute personne. Comme la plante est dans la terre qui la nourrit sans s’identifier à elle. Il œuvre de façon continue. Le fidèle est appeléà coopérer à l'œuvre divine. Il serait à l'image d'un musicien qui joue sa partition dans l'orchestre dont Dieu est le chef. Dieu n'impose pas, mais il suggère, propose. Au fidèle en communion avec Dieu de répondre s'il le veut à l'invitation divine.

H.L.

 



[1] www.michel-theron.fr

[2] Gilles Bourquin, Théologie de la spiritualité, Ed. Labor et Fides 2011


A la découverte du « moi »

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« Car ce qui importe, ce n’est ni la circoncision, ni l’incirconcision, mais la nouvelle création ». Galates 6, 15)

L’apôtre Paul exprimait ainsi clairement ce qu’est  la découverte du véritable  et authentique moi. Les uns pensent que c’est l’appartenance à un clan, que ce soit celui des circoncis ou non, qui détermine leur identité. Le jeune délinquant dans sa cité a le sentiment d’exister par son appartenance au gang. Il n’existe plus par lui-même. La loi du clan est sa conscience. Sa circoncision. Qu’il quitte le gang par une trahison, une faiblesse, et il n’existe plus à ses propres yeux comme aux yeux des membres du clan. Il arrive que le politicien, le cadre bon chic bon genre, le cheminot, le policier ont conscience de leur moi grâce à leur livrée, leur costume. Ils sont d’une certaine façon, bien circoncis. Ils ont le sentiment d’exister, non par eux-mêmes, mais par leur appartenance à leur statut social, leur « circoncision ».

D’autres se déclarent libres de toutes appartenances, inféodés à rien, ni religion, ni parti, ni nation, contre toute autorité, à leur façon anarchistes. Ils sont incirconcis. C’est par opposition aux « circoncis » qu’ils pensent qu’existe leur moi.

Or la véritable identité naît avec la nouvelle création, une nouvelle rencontre. L’apôtre Paul a su qui il était en véritéà la suite de la rencontre qu’il avait faite avec la personne de Jésus ressuscité. Cette rencontre il ne l’avait pas faite physiquement avec Jésus sur les chemins de Galilée. Et pourtant il a vécu une expérience subjective déterminante alors qu’il était en route sur le chemin de Damas. Son objectif était alors  de dénoncer les chrétiens pour les faire arrêter, et sans doute exécuter. Il entend une voix lui demander « Saul, Saul, pourquoi me persécutes tu » ? Il se pose la question : quel est le sens de ce à quoi je consacre mon existence ? Et il s’est arrêté tout net. Lui qui croyait voir clair, certain de sa vérité, il est aveuglé et est dans le noir absolu. Arrêté en plein milieu du chemin. Lui qui  était bien circoncis, adhérant au judaïsme le plus strict, découvre brutalement qu’il s’était fourvoyé dans une conviction stupide. Lui qui croyait voir, il devient aveugle, puis peu à peu, revient à la vraie vie. Il est l’objet d’une création nouvelle. Sa relation à l’autre est toute différente. Dès lors, il va apprendre qui il est en vérité. Hébergé par ses anciennes victimes, il va rester silencieux un bon moment avant de partir à l’action. Et quelle action !
 
Bien des frères parfaitement circoncis, sont convaincus d’être dans le bon chemin en vouant aux gémonies les tenants du mariage pour tous, ou les homosexuels qui demandent à recevoir la bénédiction de Dieu sur leur amour. Circoncis, car membres d’un clan, ils sont parfaitement sincères, mais emmurés dans des certitudes ancrées dans le passé.
Certains d’entre eux, sur leur chemin de Damas, entendent les paroles bienveillantes du Christ et leurs yeux s’ouvrent, les fait basculer. Désormais ils découvrent l’actualité des Évangiles. Ce qui leur apparaissait paroles divines ne sont plus que la formulation de ceux qui ne font que transmettre ce qu’ils ont compris enrobé dans les normes culturelles d’une époque donnée. Mais qui prend encore pour parole d’évangile l’interdiction de la pilule par le pape Benoit XVI ? Enfin lucides, ils ne  tiennent plus les expressions culturelles de l’époque primitive pour vérité absolue. Ils s’attachent au sens profond contenu dans les propos rapportés par les témoins. Leur moi se libère et s’ouvre au souffle de l’’Esprit. Ils vivent la création nouvelle de leur authentique moi. Être un sujet, c’est se construire par rapport à soi-même. Rencontrer la personne du Christ tel qu’il est annoncé dans les évangiles, c’est aller, libéré, au devant de soi-même tel qu’on est en vérité.

 

H.L.

Jésus résoudrait la crise grecque

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Si l’on se réfère aux propos de Jésus concernant l’économe infidèle dans l’évangile ( Luc 16) , il est certain qu’il serait favorable à une remise immédiate de sa dette à la Grèce. Je cite la parabole : « Un homme riche avait un gérant qui fut accusé devant lui de dilapider ses biens. Il le fit appeler et lui dit « qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends les comptes de ta gestion, car désormais, tu ne pourras plus gérer mes affaires ».
On peut dire que le trio de la BCE, du FMI et de la banque centrale de l’Allemagne  n’avait pas le visage du propriétaire dont parlait Jésus. En effet ce dernier ne semblait pas avoir le culte du veau d’or. En effet quand il apprend que son gérant, un vrai filou pourtant, a profité de ce qu’il avait encore la capacité de faire des faux est allé trouver les malheureux qui devaient de fortes sommes à son maître, « Il  fit venir un par un des débiteurs de son maître et il dit au premier : « combien dois-tu à mon maître ? » celui-ci répondit :  « cent jarres d’huile ». Le gérant lui dit : « voici ton reçu, vite assieds-toi et écris cinquante ». Il dit ensuite à un autre : « et toi, combien dois-tu ? ». Celui-ci répondit : « cent sacs de blé ». Le gérant lui dit :  « voici ton reçu et écris quatre-vingts ». « Et le maître fit l’éloge du gérant trompeur parce qu’il avait agi avec habileté. »

Et Jésus conclut  « Et bien, moi je vous dis : faites vous des amis avec l’Argent trompeur, pour qu’une fois celui-ci disparu, ces amis vous accueillent ».

L’Europe a été construite sur l’idée que l’adoration du veau d’or était la solution pour souder l’unité entre les peuples par de solides liens d’amitié. Le principe de base était que tous pouvaient devenir propriétaires et en concurrence les uns avec les autres. Leur principe était le suivant : « La règle doit être qu’il n’y a justement plus de règle, que tout, ou presque tout, est permis. C’est la dérégulation financière qui s’impose. L’idéal ? Moins il y aura d’État, mieux ce sera, car la main invisible du marché suffit à réduire la misère et à créer l’harmonie » . Le résultat de cette option en faveur du culte du veau d’or est désastreux. Jamais les inégalités n’ont été aussi flagrantes. Jamais il n’y a eu autant de pauvreté, de femmes et d’enfants dans les rues. Les inégalités entre humains sont sidérantes. Le résultat est la division et la rancœur entre individus. Par ailleurs la planète exploitée au-delà du raisonnable pour accroître les profits sera bientôt en perdition.  

Quel malheur a donc frappé la Grèce ? Ce pays voulait entrer dans l’Europe. Pour cela, il lui fallait répondre aux conditions imposées, à savoir ne pas avoir un déficit de plus de 3 % du PIB, et une dette inférieure à 60 %. Des experts de la banque Goldman Sachs venus des États-Unis, sont venus à Athènes aider les hommes politiques au pouvoir pour falsifier leurs comptes afin de satisfaire aux conditions imposées. L’Office statistique de l’Union européenne était parfaitement au courant de la falsification des comptes. Mais pourtant Bruxelles n’a pas hésité une seconde à bénir le trucage malhonnête. Tout le monde en a profité. La Grèce a pu emprunter d’énormes sommes d’argent à l’Europe. L’entreprise Siemens et les centres téléphoniques allemands de l’O. T. E.  ont pu vendre très cher leurs produits à la Grèce qui organisait de splendides jeux olympiques ! La France a pu également vendre des armes et des avions. Bref ! La dette a fait des bonds incroyables et les Européens en ont largement profité.

Puis Allemands et Français ont demandéà la Grèce de rembourser leurs emprunts. Les Grecs étaient bien sûr incapables de le faire. La solution hélas adoptée a été de faire rendre gorge au peuple des Grecs affamés, ruinés. Jésus aurait au contraire recommandé au trio de la BCE, du FMI et de la Banque centrale d’Allemagne de « structurer la dette », c'est-à-dire de la leur remettre.  Ces gérants fort malhonnêtes n’ont pas été aussi avisés comme celui de la parabole qui avait préféré se faire des amis plutôt que de satisfaire au culte du veau d’or. Leur calcul pour plaire aux riches prêteurs a été une erreur que Jésus n’aurait jamais faite, car jamais les Grecs ne pourront rembourser ce qu’ils doivent. Et plus grand monde n’a maintenant confiance dans les traités fondateurs de l’Europe.

H.L.

La bénédiction du mariage des homosexuels

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La raison invoquée par quelques pasteurs de refuser de donner une bénédiction à un couple homosexuel est infondée. Ils considèrent que l’homosexualité est un péché comme le dirait la bible.
Je n’en suis pas aussi sur.
Ce refus correspond inconsciemment à un alignement sur la position prise par l’Église catholique et par les évangéliques. C’est normal puisque ces deux groupes pèsent  sociologiquement plus lourd que notre Église qui a bien du mal à prendre la mesure des bouleversements de notre société, de ses changements de paradigmes. Écouter les questions posées dans ce nouveau contexte social,  tenter d’y répondre en tenant compte de la réalité actuellement vécue est possible en se référant à l’Écriture sans être prisonnier des interprétations données par le passé en réponse à des questions posées dans un tout autre contexte social et culturel.

Il y a deux causes au fait que le mariage entre homosexuels soit une question qui se pose aujourd’hui : l’évolution du fondement de la famille et le passage d’une société holiste[1]à une société basée sur l’individu.

L’Église catholique développe une argumentation universaliste et non plus seulement religieuse. Elle revendique   une anthropologie de la famille qui procède de l’ordre de la nature. C’est elle qui a produit ce modèle de la famille. Dans ce modèle chrétien du mariage qui date du XIIe , le vouloir divin est supposé parler  dans l’ordre de la nature. L’union a pour finalité la  procréation  et la soumission de la femme à l’homme. L’Église catholique a réussi àétablir un lien entre l’ordre de la nature et l’ordre biologique. Or, dit clairement Françoise Héritier : « les catégories de genre, les représentations de la personne sexuée, la répartition des tâches telles que nous les connaissons dans les sociétés occidentales ne sont pas des phénomènes universels générés par  une nature biologique commune, mais bien des constructions culturelles ».

Napoléon a éliminé la référence à Dieu et a substituéà l’ordre fondé en Dieu,  l’ordre « sacré » de la nature. Le droit s’est fait le garant de cet ordre immuable assignant aux hommes et aux femmes des rôles différents et inégaux « par nature ». En leur temps, l’Église s’opposa au mariage civil,  critiqua l’engagement professionnel des femmes, combattit l’instauration du divorce par consentement mutuel, l’I.V.G., la pilule et le reste. En effet la famille reste encore aujourd’hui le terrain sur lequel l’Église peut « combattre l’autonomie du sujet, de la personne  soumise à son autorité.  ( Si en effet la femme devient réellement l’égale de l’homme, c’en est fini de la supériorité du prêtre sur son peuple pour lui dire quoi croire et penser).

Les évangéliques ont une conception similaire qui se fonde sur d’autres arguments. Ils ont une lecture fondamentaliste des Écritures. Pour eux, si c’est la Bible qui le dit, c’est vrai. Si le monde a été créé en 6 jours, cela vaut vérité scientifique.

La conception de la famille n’a plus rien à voir avec la conception des auteurs bibliques. Leur anthropologie n’est pas la nôtre.  L’expression biblique employée pour préciser la relation que la première femme entretiendra avec le premier homme traduite souvent par « vis-à-vis » ou « semblable à lui »évoque plutôt en hébreu le lien de loyauté qui unit un seigneur à son vassal, ou à son serviteur.  Ce n’est pas par hasard qu’Ève sort d’Adam et non l’inverse ( ce qui serait pourtant conforme à la nature), elle est de second ordre et dépend de son homme. Ses enfants seront ceux de son mari et non d’elle. Leurs relations étaient hiérarchisées. Dans ces sociétés la femme avait valeur d’échange et était signe d’alliance entre les hommes. La loi donnée à Moïse s’adresse aux hommes. Pas aux femmes qui n’ont qu’à suivre (cf. J. Alexandre, traducteur de la TOB). Nous ne vivons plus à la mode antique.

Nous ne vivons plus dans une société holiste, une société qui dépend d’un dieu supervisant et organisant le fonctionnement de la société. L’individu est devenu un sujet responsable d’une démocratie. La famille n’est plus le fondement de la société. Ce n’est plus elle qui éduque l’enfant, mais l’école, et cela dès la maternelle.
Et nous arrivons au mariage entre homosexuels. Le mariage est devenu un choix par amour entre deux personnes et non plus objet d’un contrat pour assurer la pérennité du patrimoine grâce à la descendance. La famille est devenue  relationnelle. Le choix du conjoint repose sur la volonté des personnes. Maintenant c’est sur  l’enfant qui repose la famille. La filiation biologique est remplacée par la filiation par choix grâce à la possible régulation des naissances

Il y a dans la société 6,5 % de personnes biologiquement homosexuelles. Certains découvrent leur homosexualité seulement à quarante ans. La pression sociale fait que nombre d’entre ceux qui sont biologiquement  homosexuels,  adoptent le genre auquel ils doivent se soumettre par l’éducation et le respect de la norme sociale.
Il faut noter que la violence anti homo que manifestent certains, ne fait que trahir leur refoulement homosexuel  par peur de laisser paraître la  part de féminité naturelle qui existe en chaque individu masculin ou la part de masculinité qui est en chaque femme.

Venons-en à la bénédiction. Il y a deux conceptions de la bénédiction. Pour les uns elle marquerait l’approbation de Dieu sur notre façon  d’être.  C’est la conception des chrétiens qui s’opposent à la bénédiction des mariages des homosexuels. S’appuyant sur la compréhension de quelques passages bibliques, ils pensent savoir ce que pense Dieu.
Pour d’autres la bénédiction marque le oui fondamental de Dieu sur nos vies, sur ce que nous sommes, indépendamment de nos actes. Ici l’église ne se met pas à la place de Dieu.

Que dit souvent le N. T. ? La mission du chrétien semble clairement de bénir : « Bénissez ceux qui vous maudissent » (Lc 6,28).  « Bénissez et ne maudissez point » (Rm. 12,14 ).  « Bénissez , car c’est à cela que vous avez été appelés » ( 1 P. 3,9 ).
On pourrait ajouter que Jésus a reçu la femme adultère, dîné avec une prostituée, guéri le serviteur du centenier qui était sans doute un  homosexuel amoureux fou de son esclave.
 
D’après Témoignage chrétien, Monseigneur Jacques Gaillot  a dit au pape François : « en m’excluant, l’Église m’a donné un passeport vers les exclus ». Le pape François lui a répondu : « Le Christ frappe à la porte de l’Église, mais il frappe de l’intérieur ! Il veut qu’on ouvre les portes en grand ! Pour le laisser sortir ! Pour aller rencontrer le monde et l’humanité ».Monseigneur Gaillot donne corps à cet appel. Il a raconté au cours de son entretien avec François comment il avait béni un couple de divorcés remariés, et également béni un couple d’homosexuels. Le pape a acquiescé et ajouté« La bénédiction, c'est dire la bonté de Dieu à tout le monde ! »

Il est étonnant que des protestants si souvent en pointe dans le souci de donner des réponses aux questions posées par leurs contemporains et non de reprendre les réponses adaptées à un autre temps, soient tellement décalés par certains témoins de l’Église catholique.

H.L.



[1] [1] Une société est holiste si elle part de la société globale et non de l’individu, par opposition à une sociologie qui considère que l’individu préexiste à la société. Le moyen âge avait une conception holiste de la société. Chaque individu avait une place et un rôle dans la société qui était déterminés par un ordre divin.

 

Article 1

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De la fatigue d’être soi à la création nouvelle
 (d’après lecture de « La fatigue d’être soi » d’Ehrenberg)

 

L’État « materne » l’individu

La croissance économique, la protection sociale, les mutations de la famille, les politiques du logement, tout cela a concouru à modifier les représentations de la relation individu-société. Le progrès des conditions matérielles de vie a fait du bien-être une réalité accessible à tous. L’idée que chacun puisse faire son chemin s’est démocratisée.
Dans les années 60, on a assistéà un recul de la responsabilité de l’individu de plus en plus  encadré par les normes sociales.
Le citoyen républicain conscient de ses droits et de ses devoirs, maître de lui-même, se soumettait volontairement à des lois qui respectaient ses intérêts légitimes et la liberté de sa vie privée, en assurant du même coup la cohérence de la société. L’intérêt général était la règle suprême et l’on était déjà dans un monde sécularisé dans lequel l’individualisme humaniste conciliait l’intérêt particulier et l’intérêt général.

L’adieu à l’individualisme hédoniste

Les années 70 sont une charnière. Chacun commence à devenir le propriétaire de sa propre vie. Le développement de soi devient affaire personnelle. Les thérapeutes doivent guérir l’individu de la contrainte sociale subie pour l’aider à devenir « soi-même ». L’objectif est de vivre par soi-même avec l’approbation d’autrui.  L’homme moderne est pris dans une magistrale évolution. Au cours des années 60, il vivait installé dans le bien-être des 30 glorieuses. Son idéal était de s’épanouir et de consommer. L’État providence « coucounait » l’individu sécurisé.

À partir des années 80, l’individu allait entrer dans un monde sans pitié. Au lieu de vivre cajolé par l’État, il allait devoir dire adieu à l’individualisme hédoniste et prendre l’entreprise pour modèle de sa vie personnelle, que ce soit dans le monde du travail ou dans sa famille. Son épanouissement, il ne le devrait dès lors qu’à lui-même. Comme le dit Erhenberg « ce que la politique ne pouvait plus faire, l’économie allait s’en occuper : l’entreprise, nouvelle solution miracle, devenait citoyenne »à tel point que l’individu doit alors gérer sa vie comme une mini entreprise. Compte tenu de la crise, du chômage, des plans sociaux, l’individu moderne ne rêve plus d’ascension, mais espère simplement ne pas redescendre d’un cran ou deux dans l’échelle sociale. Pour y parvenir, il lui faut mener un combat de tous les instants. Chacun doit s’appuyer sur lui-même pour inventer et construire sa vie. Le culte de la performance s’impose ».

Il faut maintenant devenir autonome, être capable de s’adapter sans cesse aux évolutions imposées par la mondialisation, prendre constamment sur soi. Chacun est responsable. Se faire par soi-même, être sa propre transcendance, tel est l’idéal à atteindre. Sans s’en rendre compte, l’individu contemporain a rejoint l’idéal que le pharisien contemporain de Jésus cherchait à atteindre, obéir sans faille à la loi. La seule différence tient au fait que la loi du pharisien était dictée par Dieu alors que la loi pour l’homme moderne est celle  de la concurrence imposée par l’idéologie quasiment religieuse dictée par l’ultra capitalisme. L’individu entreprenanteurial est né. Les règles ont changé.

Les contraintes de l’ultralibéralisme

L’on a basculé dans la mondialisation et la révolution de l’ère de l’information. Avec la dérégulation financière, avec la montée en charge d’un individualisme égoïste reposant sur la croyance que la vérité de l’être se situe en lui-même, l’économie a imposé ses dictats au politique devenu incapable de gérer l’intérêt général.

L’entrepreneur doit satisfaire dans l’instant le client, ses fournisseurs, ses actionnaires. Si autrefois il se souciait de son personnel, il souhaite maintenant que ses agents deviennent des auto-entrepreneurs avec lesquels il passe contrat au grès de ses besoins. L’individu est sommé d’être performant, que ce soit dans l’entreprise comme dans la vie privée. Il lui faut savoir s’adapter, devenir flexible, mobile. Responsable de soi, il est constamment sous pression. Chacun doit se trouver un projet et agir par lui-même. Il a le même challenge que l’artiste qui ne doit sa réussite qu’à ses qualités, son sens de la relation et ses réseaux.

Nouvel aspect du salut

Le salut n’est plus du tout une rédemption, une vie par delà la mort. Le salut doit s’inscrire dans l’ici et le maintenant. Il va consister à trouver les ressources pour faire face quoiqu’il arrive. Trouver auprès de sa banque le prêt indispensable pour se lancer ou surnager, raviver le carnet d’adresses, ne pas tomber malade, persévérer jusqu’à pouvoir enfin payer la rançon due pour survivre sans finir aux restos du cœur, voilà le combat à mener.

Pour tenir, l’individu en quête de reconnaissance, va se comporter à l’image du sportif qui s’impose une discipline de fer, ou de l’entrepreneur qui réussit, au besoin sans s’encombrer de scrupules éthiques. Tapie est le modèle. À défaut de réussite, en cas d’échec, le salut de l’homme moderne réside dans la dépression, la drogue, l’alcool, au mieux les anxiolytiques.

Le salut par la foi de l’homme contemporain

L’être soumis au culte de la performance consacre toute son énergie à satisfaire par ses œuvres le dieu dont il espère le salut. Mais celui qui avait investi dans le dieu de la performance qui lui apporterait le succès doit vivre une grande déception quand il est en situation d’échec. Son dieu, son idole l’a trahi. Il vit l’enfer ici et maintenant. Luther avait une peur panique de l’enfer post mortem. Le salut par la foi découvert en lisant l’épitre aux Romains l’en a délivré. L’homme contemporain peut échapper lui aussi à son enfer en faisant le pari de faire confiance en Dieu.

Le courage d’être

S’il a le courage simplement d’être, le courage d’accepter d’être accepté par Dieu lui-même, l’homme contemporain va vivre la résilience comme parfois l’enfant martyr auquel une main secourable est tendue. S’il va à la rencontre de la personne du Christ tel qu’il est annoncé dans les Écritures, le chemin qui  conduit à Dieu, à sa libération et à la découverte de son identité véritable lui est ouvert.

Comme l’aveugle de Jéricho (Lc. 18, 35-43) quêtant l’aide de Jésus qui passait, il va recouvrer la vue et devenir lucide au sujet des valeurs de notre société soumise à la loi du seul profit. Comme le démoniaque de Gadara (Lc.8, 26 et ss), il va ne plus vivre enfermé dans ses fantasmes et son désespoir. Il va être réintégré dans la société, et habiter sa véritable identité.

Il va découvrir ses potentialités, s’épanouir, oser aimer comme il est aimé lui-même. « Le Seigneur dit l’apôtre Paul, c’est l’Esprit sain. Et quand l’Esprit du Seigneur est présent, la liberté est là. Notre visage à nous tous est sans voile, et la gloire du Seigneur se reflète sur nous, comme dans un miroir. Alors l’Esprit du Seigneur, qui est l’Esprit, nous transforme. »

Il faut ajouter cet extrait de la deuxième lettre aux Corinthiens (Ch. 5 17-20) :  «Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé. Voici qu’une nouvelle réalité est survenue. »
Ou encore tiré de l’épitre aux Galates (5, 15) :  « ce qui compte c’est ce que Dieu nous crée à nouveau».

H.L.

 

Aux prises avec nos images de Dieu

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Dieu d'Israël, dieu des autres  d’après une conférence de Guy Nocquet.

Ou comment le dieu EL né sans doute en Arabie saoudite au 13 e, a été adopté par les Hébreux. De dieu du tonnerre et de l’orage, puis de la guerre et enfin de la nation, il est devenu au 6 eme le Dieu unique de toutes les nations.   

Les « représentations » du divin (les images qu'Israël se fait de Dieu) se sont déplacées dans l'Ancien Testament, de la fin du IIè millénaire à la fin du premier (avant J.C.) ? Elles passent d'une vision immanente à une dimension plus personnelle, plus indépendante qui admet la diversité (de l'immanence à la transcendance). Elles sont liées aux évolutions étatiques d'Israël (du roi au Temple).

I – YHWH une divinité qui vient du sud (XII – X siècle avant J.C.)

On trouve les traces d'un Dieu « El »à la fin du deuxième millénaire : une divinité locale dans le temple d'Amran en Arabie saoudite et la stèle de Mernephta (13e s.) Des récits bibliques parlent de ce dieu de la tempête et de la guerre. Il est comparable au dieu égyptien « seth ».

En Ex 18,11 il y a la trace d'un culte à YHWH en pays de Madian : Moïse épouse une madianite, son beau père Jethro est le premier à rendre un culte à YHWH (peut-être, le début d'une foi monothéiste ?). Israël bénéficie du soutien des madianites (connivence entre Edomites et Madianites) . A l'origine YHWH est une divinité de la tempête et de la libération d'Egypte. Le yavisme naissant va en faire un dieu « climatique ».

2 – Le triomphe de YHWH liéà la théologie royale ( X – VI siècle avant J.C.)

Le divin devient liéà la royauté :

  • le roi est fils de Dieu (2S 7,13 et Ps 2 repris dans le baptême de Jésus)
  • le roi est lieu-tenant de Dieu (cf Assoud, le grand roi assyrien)
  • la Loi vient de Dieu (Dt 11) inspirée d'Hammourabi
  • une stèle de Baal à Ougarit montre le dieu protégeant le roi

Mais Jérusalem est influencé par d'autres traditions, Baal (dieu climatique) et YHWH ont cohabité (cf livre de Juges et début de la royauté), plus ou moins associés à la déesse Ashira :

  • le culte de YHWH s'installe au IXè siècle (cf 2R10)
  • David introduit le caractère solaire du culte de YHWH (Ps 19, 6-8 ; Ps 84), amalgame YHWH / Dieu solaire.
  • YHWH est aussi celui qui répond par le feu ( 1R 18,21) c'est une divinité climatique

YHWH s'impose à la fin du IXè siècle (coup d'état de Jéhu), il devient divinité royale, à Samarie et Jérusalem, qui protège le roi. Après la destruction du royaume du nord (732 puis 722), le royaume du sud reste le seul. Selon l'interprétation d'Esaïe, c'est grâce à YHWH qui a sauvé sa ville, alors que le dieu Amon n'a pas sauvé Thèbes. YHWH devient alors Dieu unique.

A la fin du VIIè siècle, il y a purification du culte avec une reformulation de l'unicité de YHWH, une théologie de l'alliance et de la résistance. C'est le roi Josias qui est à l'origine de cette réforme.

A la fin de l'Exil, le dieu attachéà la royauté va devenir un dieu du monde entier. Il y aura articulation de l'un et du multiple, YHWH deviendra le Dieu de l'histoire.

3 – YHWH garant de l'ordre du monde, la théologie du Temple (VI – Vè siècle avant J.C.)

Le Temple, est une des trois « institutions » d'Israël (la Terre, le Roi, le Temple). Au retour de l'Exil, après la reconstruction du Temple, les milieux sacerdotaux prennent conscience d'une communauté sans roi. Le grand souci des prêtres est de rétablir le culte pour permettre à nouveau la présence du divin. S'il n'est pas satisfait des sacrifices, Dieu peut abandonner le territoire. C'est la pire chose qui puisse arriver (Ez 8,11et ss), le sacrifice étant le moyen d'entrer en contact avec Dieu

Les prêtres vont théoriser une nouvelle histoire de la révélation divine : la violence a perturbé l'ordre de la Création et dans la nouvelle alliance avec Noé Dieu renonce à toute puissance destructrice. La ligne sacerdotale invente comment Dieu vient habiter le Temple (Ex 40,34-38). Israël est chargé du culte de YHWH. Il y a cohabitation divin/humain par l'action sacerdotale. Les prêtres inventent un culte post-monarchique (sans roi). Ils s'approprient le Dieu universel. La communauté est responsable de la pureté.

4 – Dieu des étrangers, théologie de l'altérité et de l'universel (V – IVè siècle avant J.C.)

C'est une adaptation à l'état de « Diaspora » :

  • la « Terre promise » est au-delà du Jourdain (fidélité de YHWH à la Cisjordanie)
  • la promesse s'accomplit en dehors de la Judée et de la Samarie (Gn 20,1 . 45,17), elle s’agrandit à la Mésopotamie. Les Patriarches habitent en dehors de la Judée.
  • L’Égypte est aussi « Terre promise » (Gn 45,17)
  • les voisins deviennent partenaires, les peuples qu'Israël devaient chasser deviennent légitimes.

    Une théologie de l'altérité :
  • Dieu veille à l'autonomie des peuples.
  • les liens de parenté sont légitimés, relations pacifiques avec Abimélek (Gn 20, 3-5)
  • un souci divin pour les anciens ennemis (Gn 21,22-27)
  • l'image des peuples oppresseurs est renversée

            Une théologie de l'universel :

Le Dieu d'Israël est le Dieu des autres : une histoire internationale du salut s'écrit :

  • en 2R5,14-17, Nahaman veut emmener de la terre pour faire son autel, c'est la cohabitation de pratiques religieuses différentes. Jusque-là les sacrifices en terre étrangère étaient considérés comme impossible, cela devient possible.
  • en Dt4, 19, la relation privilégiée d'Israël avec YHWH n'exclut pas l'existence d'autres peuples, c'est un monothéisme ouvert

En conclusion

L'homme biblique fait l'expérience d'un Autre (d'une altérité), mais l'exprime de façons très diverses. La Bible garde la trace de ces évolutions théologiques :

  • d'un dieu immanent, on passe à un dieu plus indépendant, transcendant
  • un Dieu plus universel, garant du monde
  • une dématérialisation de la « Terre promise » avec la « Diaspora »

Nous nous arrêtons là au seuil d'un grand débat avec Qhoélet et Job :

  • avec Qholélet : Dieu est-il dans la joie ?
  • avec Job : quelle rétribution ?

Rédigé avec les notesde Paul Claudin et de Julie-Marie Monge, pises au colloque Évangile et Liberté de la Grande Motte , le 9 et 10 octobre 2015.

 

 

 

Avoir la foi au XXIe siècle

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Héritier de la réforme inaugurée par Luther en 1516, je commencerai par le citer. Il disait « C’est à chacun de décider selon sa conscience, comment croire ou ne pas croire, sans causer par là aucun tort au pouvoir temporel . Ce dernier doit s’en contenter ». Il ajoute un peu plus loin « La foi est une œuvre libre et on ne peut y forcer personne. »

Pour commencer, je voudrais essayer de définir pour moi ce que n’est pas la foi.
Il est nécessaire de faire avant tout la différence entre la foi et la croyance. Les religions ont tendance à décréter ce que de leur point de vue, il convient de croire ou de ne pas croire. Elles s’efforcent de définir leurs dogmes, leurs certitudes. Le christianisme s’est soucié par exemple de tenter de définir la vérité de la nature du Christ. Il a tenté de dire comment Jésus Christ pouvait être à la fois homme véritable en même temps que fils de Dieu. Après avoir résolu le problème par le dogme de la trinité l’on s’est demandé si Dieu était vraiment tout puissant ? Mais si c’était le cas, pourquoi tolérait-t-il le mal ? Dieu a-t-il vraiment voulu que Jésus meure dans d’atroces souffrances sur la croix pour payer le prix des péchés de l’humanité ?
Les réponses à ce genre de questions varient selon l’époque. Les façons de dire ce-en quoi on croyait a évolué au fil des siècles. Celui qui prétend dire qui est vraiment Dieu ne peut en fait que dire : Voilà ce qu’est Dieu pour moi. Ce n’est pas Dieu en vérité. C’est juste mon idée de Dieu.

Faut-il donc considérer que les dogmes, les professions de foi sont inutiles ? Non car il est utile pour la communauté de dire en son temps ce en quoi elle croit et ce qu’elle met derrière les mots. Cela sécurise. Cela rassure en créant une solidarité quand la formulation est partagée. Mais de làà dire que ce sont là des vérités révélées par Dieu lui-même, il y a un grand pas que franchissent  malheureusement au nom de leurs croyances des hommes qui s’entretuent encore aujourd’hui pour imposer aux autres leur façon de croire. Ils ont naïvement pris pour vérité révélée ce que les hommes du culte leur ont enseigné.

Pour moi, la croyance n’a absolument rien à voir avec la foi. La foi est un sentiment qui vient du cœur et non du cerveau. Quand quelqu’un tombe amoureux, il est habité par une joie intérieure, et il ne fait pas un discours intellectuel pour expliquer ce qu’il ressent. Il ferait plutôt un poème.
Si l’amour entre deux êtres est réciproque, alors le sentiment de confiance s’ajoute à l’émotion. Et bien la foi ressemble à cette expérience vécue dans l’intimité, de façon subjective.
Cela voudrait-il dire que la foi relève d’une expérience subjective et non pas d’une affirmation intellectuelle, d’un dogme par exemple élaboré par l’Église ? Je le pense.

Presque tout le monde a une idée en tête. Cette idée c’est de trouver ce qui donne un sens à la vie. Tillich parle de la préoccupation ultime, de ce pour quoi on déploie toute son énergie.  Et de ce point de vue, on peut dire que tout le monde a la foi en une sorte de dieu. Pas de n’importe quel Dieu. Pour l’un, son dieu est de gagner beaucoup d’argent. L’argent est devenu le dieu auquel il consacre tous ses efforts. C’est sa sécurité. Peut être aussi que son moteur est plutôt la soif de considération. Pour un autre, ce qui peut donner sens à sa vie, c’est de la réussir en faisant carrière dans un métier qui lui plait et de fonder une famille. Son dieu est alors sa place dans la société et l’idée que telle est sa vocation. Pour un autre encore ce qui donne sens à sa vie c’est d’être reconnu, à la télé ou sur face book. C’est de devenir quelqu’un dont tout le monde parle.  Le dieu auquel il croit est alors l’image qu’il  veut donner à voir, ou qu’il espère donner à voir. Le culte qu’ils célèbrent les uns les autres est aujourd’hui le culte de la performance pour atteindre leur but. Leurs dieux sont des idoles.

Pour moi avoir la foi c’est faire confiance en Dieu tel que Jésus Christ en a parlé. C’est penser qu’’il me soutient dans l’épreuve. Je suis alors comme un funambule qui s’élance sur un fil tendu des deux côtés d’un précipice. Le balancier qui me permet de garder l’équilibre, c’est la communautéà laquelle j’appartiens, et parfois  les personnes que je rencontre. Il y a bien des moments où je perds confiance, où je manque de foi, des moments pendant lesquels je doute. Mais j’espère et  j’avance, sinon je tomberai. Et la confiance en Dieu et en moi revient. Grâce à cette présence, je sais enfin qui je suis. Et je reprends confiance en Dieu, en moi, en la vie. 

La référence au protestantisme :

Ce qui semble essentiel pour un protestant c’est la liberté de penser sans se sentir obligé d’être en accord avec une autorité, quelle qu’elle soit, religieuse ou politique. Cette liberté de conscience a été une découverte extraordinaire il y a maintenant plus de 5 siècles. Avant Luther, rares étaient les personnes qui osaient dire ce qu’elles pensaient si cela ne correspondait pas à ce que tout le monde croyait, et surtout à ce que l’Église en particulier pensait. C’est l’Église qui imposait sa vérité. [1] Quand Luther ose dire comme le dit l’épitre aux Romains, que l’on est sauvé par la foi et non par les œuvres, il est sommé par l’Église de se rétracter.  Il répond : « Ma conscience est prisonnière de la Parole de Dieu. Je ne puis ni ne veux me rétracter, car il n’est ni sûr ni salutaire d’agir contre sa conscience. Que Dieu me soit en aide ». Le prêtre qui dirige les débats lui avait alors répondu : « Abandonne ta conscience frère Martin ; la seule chose qui soit sans danger est de se soumettre à l’autoritéétablie ».

Actualiser les données de la réforme au XXIe ?
Luther avait une vision théiste. Pour lui Dieu était une toute-puissance exerçant son autorité du haut du ciel. C’est Dieu pensait-il qui intervenait directement sur le fidèle en recherche spirituelle. Calvin avait théorisé la question en invoquant la thèse de la prédestination. Que le croyant se sache effectivement prédestiné ou non importait peu. Il n’avait qu’à vivre en paix comme s’il était effectivement bénéficiaire du don de la grâce de Dieu. Toutefois le témoignage intérieur du Saint-Esprit pouvait l’assurer qu’il faisait bien partie des élus.

Sous l’influence de Lumières qui avaient remplacé Dieu par la raison, sous l’influence donc de la modernité, la conception théiste de Dieu n’a plus cours aujourd’hui, sauf sans doute chez les évangéliques. Au cours du XIXesiècle, c’est dans la culture de l’émotion, de la sensibilité romantique que l’on avait pensé que la présence divine pouvait se manifester.

 Au XXe siècle les théologiens du process s’inspirant des découvertes scientifiques d’Einstein et de Plank, ont proposé une conception panenthéiste d’un Dieu présent en toute chose et en toute personne. On pouvait alors sortir de la conception théiste et oser se proposer de répondre positivement aux suggestions de Dieu. Tillich allait dans le même sens en parlant d’un Dieu des profondeurs. Jésus n’avait-il dit ( Luc 17, verset 21) aux pharisiens que Dieu est en nous ? Bruno Giordano a pourtant été brulé vif en 1600 pour avoir dit « Dieu est en nous ou nulle part » !

Sous l’influence des courants philosophiques de la post modernité, puis  de la déconstruction, une vision très séduisante de Dieu semble enfin répondre à nos questionnements : c’est d’un « Dieu peut-être ».  Voici ce que dit Caputo :  « Le « peut-être » est le seul moyen de dire oui à l’avenir. Oui,oui, peut-être. Oui, oui au peut-être. C’est là un acte de foi qui dépasse la simple binarité de la croyance et de l’incroyance, une affirmation plus fugitive que toute position positive, plus profonde que toute croyance postulée positivement. Le « peut-être » est un non-savoir qui dépasse la simple ignorance, comme la foi dépasse le simple aveuglement. Car il répond à ce qui nous sollicite de loin en sentant déjà ce qui pourrait advenir. »
 Fonder sa préoccupation ultime par ce saut de la foi dans un « Dieu peut-être » me semble vraiment fabuleux. Il n’est plus nécessaire de chercher à s’appuyer sur des certitudes fallacieuses.
 

H.L.

 



[1] Pensons à Galilée, cet astronome italien qui a vécu à la fin du seizième siècle. Il avait observé qu’effectivement, comme le suggérait Copernic, la terre tournait autour du soleil. Comme l’Église pensait le contraire, il fut obligé de se rétracter. Condamnéà la prison à vie, il finira assignéà résidence.(  Ce n’est qu’en 1992 que l’Église a fini  par le réhabiliter!) .

Les effets identitaires de la post modernité

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L’identification est l’opération par laquelle le sujet se constitue (Freud). C’est un processus continuel, mouvant, ouvert sur l’environnement social. La question de l’identité se pose quand le sujet qui était intégré dans un ensemble social se trouve livréà lui-même pour définir le sens de sa propre vie ( Erikson ). C’est ce que nous vivons aujourd’hui par les effets de la post modernité.

C’est dans la deuxième moitié du XXe siècle qu’une étonnante révolution s’est produite,  celle de la découverte du soi. Avant les années cinquante, l’inconscient collectif de la société occidentale était encore sous la tutelle de l’État qui avait pris le relais de la tutelle exercée autrefois par l’Église. L’école inventée par l’Église catholique pour conduire les âmes sur un bon chemin a été relayée par l’État pour former le citoyen républicain. C’est l’État qui définit l’identification de chacun par l’instauration de la carte dite d’identité.

C’est maintenant l’individu qui cherche un accomplissement personnel. Le sens de l’existence n’est plus exercé« d’en haut », mais « d’en bas ».
C’est l’individu qui définit son rôle, s’efforce de coller à l’image qu’il veut donner de soi. L’homme de masse devient son propre souverain et, ajoute Kaufmann, même les pauvres peuvent accéder à leur propre épanouissement vu leur accès à une certaine richesse économique. Grâce aux  trente glorieuses ? Le sujet est propulséà l’avant-scène de sa vie ( Ehrenberg).

L’individu s’efforce d’être un sujet maître de son existence.  Mais la fatigue d’être soi gâche la fête. L’émergence du sujet tourne autour de la fabrication de sens. Dans une période instable comme l’est la nôtre, l’individu vit dans une certaine angoisse du lendemain. Célébrer le culte de la performance auquel chacun est convié pour remplir son contrat ( vis-à-vis de son employeur, de sa famille, de ses copains ) est épuisant. Le doute s’installe.

Revenir en arrière pour retrouver un sens de la vie, comme si l’identitéétait à retrouver et non à construire, semble une solution pour les plus fragiles. La religion était  l’armature du social dans une société dont le langage collectif dictant l’ordre du monde venait « d’en haut ». Aujourd’hui c’est du sujet lui- même que naît le ressort de la croyance.  Nous assistons à une redéfinition de la religion autrefois tournée vers l’au-delà, aujourd’hui tournée vers l’identification de soi ici-bas.  Mais voici que répondre aux affres de la quête identitaire est fatigant. La solution est de retourner aux données du passé qui offrent un prêt-à-porter connu, bien qu’il soit en ruines.

Les uns optent pour l’intégrisme, même s’ils n’ont jamais ouvert une Bible. Les autres, s’ils sont de culture musulmane,  optent pour le jihadisme fondamentaliste ( sans être terroriste) même s’ils n’ont jamais lu le Coran. Et le juif orthodoxe retourne au dieu nationaliste du roi David en oubliant le Dieu universaliste issu de la réforme de Josias ( VIe siècle av. J.-C. , cf. Römer). « Plus le sujet s’impose au centre de sa propre existence, plus les communautés se désarticulent dans les faits, et plus elles rêvent avec nostalgie aux enveloppements sociaux et aux systèmes de valeurs perdues »
 ( J-Cl. Kaufmann). Tels sont les effets de la post modernité.

Il semble que seul le chemin du libéralisme théologique offre une voie   pour une véritable autonomie identitaire qui permette d’assurer un « vivre ensemble » fondé sur la responsabilité authentique de sujets adultes. C’est devant nous, mais pas pour tout de suite !

H.L.

 


Vers une nouvelle Déclaration de foi

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L'Église Protestante Unie de France (EPUDF) a été constituée en 2012. Cela concrétisait la réalisation de l’union entre l’Église évangélique luthérienne de France et l’Église réformée de France. Le Synode national de 2017 devrait adopter une Déclaration de foi énonçant les convictions fondamentales des membres de cette nouvelle Église.

L’élaboration de cette Déclaration de foi doit se faire en trois étapes. La première consiste à soumettre à l'appréciation des paroisses en 2016 un avant-projet de cette déclaration de foi. Ce travail sera ensuite analysé et synthétisé par des rapporteurs qui présenteront leurs travaux aux synodes régionaux. Enfin dans une dernière étape, le synode national réuni en 2017 tiendra  compte de tous ces apports, et soumettra à l'approbation synodale une synthèse définitive. Si cette Déclaration de foi obtient l'accord de l’Église, elle sera adoptée. Sinon, le travail sera à reprendre.

Pour amorcer la réflexion, l'EPUDF a publié un petit fascicule[1] intitulé« Vers une nouvelle Déclaration de foi ».  La déclaration de foi traduit dans une situation donnée, que ce soit en tenant compte de  l’époque ou du contexte social,  ce que signifie pour une Église sa fidélitéà l'Évangile. Cela signifie que l’objectif est d’exprimer dans le langage d’aujourd’hui la conviction profonde de l’EPUDF en ce début de vingt et unième siècle.

En 2014 l’Église est entrée dans une dynamique  que l’on peut définir par deux projets liés l’un à l’autre. L’un consiste àélaborer une nouvelle Déclaration, l’autre a pour objectif d’exprimer nos convictions communes en précisant à quoi faut-il résister aujourd’hui, comment témoigner et de qui ? Dire comment être chrétien dans la société d’aujourd’hui, comment lire la Bible ?

Les six propositions de base proposées dans le document de travail ne semblent guère poser de problèmes. Visiblement sont évitées les questions qui permettraient de  spéculer sur le plan dogmatique. Les attestants, ce mouvement qui s’oppose à la décision prise récemment par l’Église de bénir les unions de même sexe pourrait en profiter pour susciter une scission. Qui sait ? Les protestants adorent « pinailler ».

 Le style est sans doute à améliorer si l’on souhaite que la lecture de ce texte soit audible projet pour nos jeunes contemporains comme le souhaitent les rédacteurs de l’avant-projet.

Par contre, trouver un accord pour exprimer nos convictions communes dans la société  actuelle traversée par une crise sans précédent, suscitera inévitablement des tensions. Luther résistait au pape en contestant la vente des indulgences destinée à financer la construction de la Basilique Saint Pierre. Les protestants, beaucoup plus à droite que par le passé, sont-ils  prêts aujourd’hui à résister aux sollicitations du néolibéralisme adopté par notre société de consommation ?
         Faut-il lire la Bible en bon fondamentaliste, c’est-à-dire comme si elle avait été dictée par Dieu lui-même ? En adoptant la méthode des pères de l’Église du cinquième siècle ? Ou la méthode historico critique qui tient compte du contexte dans lequel vivaient les auteurs bibliques ? L’accord ne sera vraisemblablement pas facile.

Il faut donc saluer la courageuse initiative qui pourrait donner à l’E.P.U.D.F une dynamique aussi efficace que le fut la publication des 95 thèses par Luther il y a cinq siècles. C’est bien ce que nous espérons de toutes nos forces pour apporter une  réponse claire à nos contemporains. A l’ouvrage donc avec passion pour être d’authentiques témoins plutôt que de simples adhérants.

H.L.

 

 

 



[1] Ressources N° 2 Oct.2015 éd.Olivétan.et« Vers une nouvelle Déclaration de foi- Document de travail Janvier 2016 E.P.U.D.

La foi d’hier et celle d’aujourd’hui

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Les premiers chrétiens avaient une foi qui ne les portait pas à s’investir dans le monde. La doctrine luthérienne du salut par la foi n’a guère plus de sens aujourd’hui. La foi du chrétien du XXIe siècle l’incite au contraire  à s’investir dans le monde comme témoin plutôt que de miser sur l’au-delà.

 

Le renoncement au monde des premiers chrétiens

La différence entre  la façon dont un chrétien du premier siècle idéalisait son avenir n’a plus rien à voir avec  notre vision des choses aujourd’hui. L’apôtre Paul exhortait les chrétiens de l’Église primitive à renoncer au monde pour se consacrer à Dieu seul. Cet idéal de renonçant n’est plus le nôtre.
Quelques citations de l’apôtre Paul le confirment : «Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé. Voici qu’une nouvelle réalité est là. » (1 Co. Chapitre 5, 17-20 ).
  -Ou encore tiré des Galates 5, 15 : « car ce qui importe, ce n’est ni la circoncision ( fidélité aux rites), ni l’incirconcision ( l’incroyance) , ce qui compte c’est ce que Dieu nous crée à nouveau».
-Romains XII, 1-2 : « Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. Ce sera là votre culte spirituel. Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence pour discerner ce qu’est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait.
- Éphésiens IV, 22-24 : « Il vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil homme qui  se corrompt sous l’effet des convoitises trompeuses ; il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence et revêtir l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité ».-Galates II, 20 : «  Je vis, mais ce n’est plus moi. C’est le Christ qui vit en moi. »

Luther vivait lui aussi dans un autre monde

Luther au début du seizième siècle vivait également dans un monde différent du nôtre. C’est Dieu qui, du haut du ciel,  lui accordait le salut. Luther avait vécu dans la terreur de l‘enfer avant de découvrir le salut par la foi accordée par Dieu.
« Ce prétendu salut n’a plus grand-chose à nous dire. Il pose une question qui n’est plus la nôtre. Le fut-elle d’ailleurs pour l’homme des cavernes ? Il convient plutôt de considérer le salut comme une réalité présente et de ne pas l’enfermer dans une religion de l’Au-delà. »[1]

« De même qu’il faut entrer à l’intérieur de l’église pour avoir le vrai éblouissement du vitrail, de même il faut entrer ou plutôt rentrer en soi pour retrouver l’essentiel, la vraie lumière. La merveille est à l’intérieur  de moi, de nous, de vous. Le ciel est en nous et non pas au-delà de notre propre mort physique aux côtés du Christ ressuscité ».[2]
L’espérance du peuple de Dieu il y a deux mille ans,  était simplement d’accéder le jour venu au Royaume annoncé, une fois le Christ ressuscité de retour.  Les yeux fixés au ciel, l’on marchait en étranger dans ce monde.

 Une espérance pour la post modernité

Dieu n’existe pas sans l’homme. Dieu est avec nous. Dieu est en marche, en   mouvement. Il est devant nous, à venir. L’homme crééà l’image de Dieu est également en devenir car il n’est qu’ébauché. Il n’est pas encore parvenu à la plénitude de son être. Il n’est pas encore accompli. Mais il y a du divin en lui pour peu qu’il laisse l’Esprit agir en lui. Jésus est venu nous dire combien Dieu espérait que nous nous mettions en marche pour advenir enfin à l’être que nous sommes destinés àêtre. Chaque fois que Jésus rencontre une personne qui doute d’elle-même, pour mille raisons, Jésus intervient et la remet débout. Il l’a fait naître de nouveau à elle-même
                 Maître Éckart (1260-1328) avait dit «  Dieu est devenu homme pour que Dieu naisse en l’homme ». Créés à l’image de Dieu, nous sommes créateurs, appelés à nous associer à l’œuvre créatrice de Dieu et pour jouer notre petite partition dans son orchestre. Laurent Gagnebin rappelle ces mots de Berdiaeff : « selon les Pères grecs l’homme a été créé pour participer de tout son être - y compris le corps- à la vie divine, pour la communiquer à l’univers ». Oui !  «  Nous sommes les enfants de Dieu » (1 Jn 3,1). [3]

Jésus pour le XXI e siècle

Notre société a basculéà partir du dix-huitième siècle dans un univers où triomphent la raison et l’intérêt. Les rois régnant de droit divin ne sont plus. C’est à l’État que revient la responsabilité de la gouvernance accordée par le vote des citoyens et non plus par Dieu. Et maintenant « L’économie impose sa loi. Les hommes sont devenus ses sujets ». [4] L’idéal ? C’est celui de la marchandise ! Pouvoir consommer pour donner une bonne image de soi-même.

Jésus nous appelle à autre chose. A donner du sens. Non pas en simple adhérant                   d’une Église mais en témoin du Christ. Gagnebin conclut : « Je crois au Dieu de Jésus : un Dieu pour nous, un Dieu avec et en nous. Cela change tout. Jésus nous libère en nous ouvrant ainsi à une relation nouvelle avec Dieu et, par conséquent, avec les autres et nous-mêmes. C’est ce que j’entends dans l’affirmation « Dieu est amour » (1 Jn 4,8 et 16).

H.L.

 

 

 



[1] L. Gagnebin, www.protestantsdanslaville.

2 Mounier, cité par Dumont

 

[4] Jean-Claude Kaufmann, L’invention de soi.  P. 215 Éd. Pluriel 2015

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Au moment où l’Église Protestante Unie s’apprête à rédiger une Déclaration de foi, une question se pose : que faire de la trinité ? Faut-il y croire pour être un bon chrétien ? Dans un article publié dans la revue Évangile et Liberté, le pasteur Pernot donne une réponse. Ce pasteur sait bien le grec. Il est bon théologien. Bref ! Son avis compte. Il se fonde sur le prologue de l’évangile de Jean. Voici ce que j’en ai retenu[1]. ( mais mieux vaut aller lire l’article !)

Le début de l’évangile de Jean commence par ces mots : « Au commencement était la Parole ». C’est l’affirmation selon laquelle Dieu est Parole. Parole et Lumière. Si Dieu est parole, cela change la vision que l’on pouvait avoir de Dieu. Habituellement l’idée commune de Dieu est celle d’un être tout-puissant, dominant le monde du haut du ciel. S’il est parole, c’est une vision toute autre de Dieu. Dieu n’est plus toute puissance ; Il est simplement force de persuasion. Une parole ne domine pas.  Elle vous mobilise, vous fait partager un point de vue et vous engage éventuellement dans une action. Une parole  vous laisse libre !

Comment donc se fait-il que depuis 18 siècles on ne dit plus que Dieu est Père, Parole, c’est-à-dire parole créatrice, et Esprit. Pourtant même Thomas d’Aquin avait cette idée de la Trinité !  D’où vient l’erreur ? Et bien voici que dès ces premiers mots prononcés : « au commencement était la parole », une phrase mal traduite dit dans de nombreuses traductions que la Parole existait déjà. Dieu ne serait donc pas seul ? Hélas ! d’autres traductions disent en effet : « et la parole était avec Dieu ». Ce qui laisse malheureusement entendre que la parole est distincte de Dieu. Si l’on ajoute que cette parole, c’est Jésus, il n’y a plus de doute. Jésus existe en tant que Dieu à côté de Dieu. De làà dire que Jésus est Dieu, il n’y a qu’un tout petit pas.

Si l’on considère que la parole dont on parle,  c’est Jésus, et si la phrase était correctement traduite, cela signifierait que le dogme classique de la trinité tient debout et que Jésus est vraiment le Fils de Dieu. Maintenant si l’on traduit correctement, tout change. Ce que l’on entend par Fils, n’est pas du tout Jésus historique, mais bien la Parole, le logos du début de l’évangile de Jean.

Toute l’erreur vient de ce qu’un petit mot grec, le mot « pros », veut dire plusieurs choses. Soit pros veut dire «  à côté ». Et la trinité existe selon la doctrine devenue officielle qui affirme qu’il y a le Père, le Fils et le Saint-Esprit, que tous trois sont « une seule essence et trois « hypostases » ou personnes de la trinité ».  Soit pros désigne l’appartenance. Ce qui se traduit par «  Au commencement était la parole et la parole était celle de Dieu et la parole était Dieu ».

La question autour de laquelle on tourne depuis des siècles  est de dire si Jésus était Dieu ou simplement  un homme qui a eu soif, et  faim,  mais a été habité en totalité par la présence de Dieu, par une présence « christique ».

 
Le début de cet évangile de Jean ajoute : « En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes. Et la lumière brille dans les ténèbres et les hommes ne l’ont pas comprise ». La lumière n’est pas toute puissante. Elle permet d’avancer, de voir clair et de prendre une décision pour dire la route que l’on choisit.

Puissions-nous voir clair sans nous déchirer à cause d’une erreur de traduction.

H.L.

 



[1] Louis Pernot. Le prologue de Jean, Dossier de la revue Évangile et Liberté » Février 2010 – N° 296.

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Fondements du christianisme libéral.

Raphaël Picon avait donné une conférence au Foyer de l’Âme à Paris en 2011 sur les fondements du libéralisme. L’intérêt n’était pas ici de décliner ce que les libéraux pensent sur le plan théologique, mais de réfléchir aux fondements du libéralisme. Il en déduisait que les critères auxquels obéit aujourd’hui le libéralisme ne sont plus ceux qui étaient à l’œuvre pour le libéralisme au 19e siècle. En fait je pense que rares sont ceux qui n’adhèrent sans le savoir aux fondements du libéralisme. Je vais m’efforcer, m’inspirant largement de la conférence de R. Picon, de le démontrer. R. Picon commençait donc par énoncer les critères du libéralisme.

Les cinq critères de base du libéralisme :

1)  L’usage de la raison est le premier critère.  Qui peut penser que croire consisterait essentiellement à renoncer à comprendre ce que l’on croit ? Le libéral ne peut se passer de la raison. Le prédicateur qui clamerait: « venez écouter une parole de vérité. Surtout, ne réfléchissez pas ! Certains propos que je vais tenir devant vous n’ont aucun sens logique, raisonnable. C’est malgré tout la vérité » n’aurait guère l’écoute de quelqu’un, qu’il soit  libéral ou non.

2) Le refus de l’orthodoxie est le deuxième critère. Tout parti politique, comme  toute religion, a une doctrine, une orthodoxie qui s’impose comme fondement du parti ou de telle ou telle religion. Chaque religion a son orthodoxie qui reflète ce que l’on croit à un moment donné. L’orthodoxie de l’Église du quatrième siècle n’est pas celle que nous aurions adoptée au vingt et unième siècle. La foi chrétienne devrait donc pouvoir sortir du musée pour dire sa foi dans un langage contemporain.  

3) L’usage de la critique est un des fondamentaux du libéralisme. Les croyances ne sont pas absolues. Nul ne peut prétendre que ce qu’il dit de Dieu est Dieu lui-même. Absolutiser Dieu, une croyance, revient à transformer ce dont on parle en idole. Quiconque s’auto proclamerait prophète, et affirmerait dire la vérité absolue, ne prêterait-il à faire sourire ? Dogmes, prédications, interprétations sont relatifs. Peut-on aller jusqu’à souhaiter la mort de celui qui n’adopte pas le dogme auquel je crois ? Pensons à Galilée.

4) La pluralité et l’individualité : Dieu se donne à penser dans le multiple. Sa révélation est plurielle. Il ne se réduit pas à ce que nous en disons. L’individualité ? Chacun est valorisé dans sa singularité, dans son unicité. Ce que l’autre retire de sa relation avec Dieu n’est pas la même chose pour moi. Chacun orchestre, organise les influences qu’il subit, ce qui marque son identité. Chacun est un flux constant de transformations au gré de ses rencontres, de ses expériences ; chacun est une histoire, une aventure, une individualité.

5) Dieu et l’humain est un critère particulièrement important. Dieu est partenaire de l’humain. Il l’éveille, le relève, le transforme et le traverse par un souffle de vie. L’homme  est porté par le dynamisme créateur de Dieu. Celui qui se reconnaît dans le libéralisme pense ensemble Dieu et le monde. Il ne  choisit pas entre Dieu et le monde. Dieu n’est pas hors du monde. Le monde dans lequel nous sommes est travaillé par Dieu.

Conclusion :
 Le lecteur qui se reconnaît dans ces critères fait partie, peut être sans le savoir,  de la fratrie des libéraux en recherche et en réflexion continue.

Si vous souhaitez réagir ou  recevoir le texte complet de la conférence de R. Picon, envoyez un mail à<hugues.lehnebach@wanadoo.fr>

 

Les causes de la crucifixion

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Une mort expiatoire ?

Nous avions cherchéà savoir quelles avaient été les raisons de l’assassinat de Jésus. Était-ce, comme l’avait pensé Anselme, un évêque du 12e siècle, parce qu’il fallait que Jésus meure dans d’atroces souffrances pour laver le manque de respect, que dis-je, l’affront que nous avions fait à Dieu en lui désobéissant ? Jésus, le fils de Dieu, était donc mort pour payer le prix de notre péché ? Ce raisonnement qui correspondait bien à l’idéologie d’une société moyenâgeuse particulièrement soucieuse de respecter le code de l’honneur ne trouvait aucun écho dans notre culture.

Qu’en était-il dans les évangiles ?

 Quel ne fut notre étonnement de découvrir que chacun des quatre évangélistes avait donné sa réponse. Aucun des quatre n’avait la même. Donc eux aussi s’étaient interrogés pour répondre à la même question posée par leur communauté.
-Pour Luc, l’assassinat de Jésus résultait d’une erreur humaine, d’un mauvais calcul politique, d’une absence de compréhension du message de Jésus.
- Pour Matthieu Jésus avait simplement refusé de se dédire, de renier le message dont il avait été porteur pendant son ministère. Sa compréhension des Écritures avait révolté la lecture légaliste qu’en avaient les pharisiens et les sadducéens. C’est cette lecture qui leur donnait le pouvoir. Allaient –ils le perdre ?
- Marc avançait  une certitude : , si le Fils de Dieu reste sur la croix, c’est pour  attester que celui qui veut sauver son âme la perdra. Faire don de sa vie dans la confiance c’est au contraire, sauver son âme.
- Quant à Jean, il va dans une tout autre direction. La mort de Jésus ouvre la route de la liberté. Jésus par sa mort et sa résurrection est de retour vers son Père et nous montre le chemin pour vivre ici-bas une existence qui n’est pas déterminée par ce monde dans lequel nous vivons. La résurrection est davantage cause du salut que la croix.

Les quatre modèles appellent donc au changement, à la conversion, à reconnaître par la foi dans la confiance en Dieu, le changement opéré par la venue du Christ.

-Mais Paul ? Nous achoppions tout de même sur de nombreux passages des épîtres de l’apôtre Paul. En effet il mentionne souvent la formule selon laquelle Jésus est mort pour nos péchés. Si pour certains exégètes Paul a inspiré les Pères de l’Église, Anselme dont je parlais tout à l’heure, et même Luther et Calvin, d’autres ne les suivent pas. Pour ceux-ci  il ne s’agit pas d’un sacrifice, mais du libre don que Jésus a fait de sa vie pour nous libérer  de l’emprise exercée sur nous par la puissance du péché.
Enfin, tout récemment d’éminents spécialistes du Nouveau Testament ont fait remarquer que la piété juive dont Paul avait été imprégné  était très attachée à la notion du sacrifice à offrir à Dieu pour obtenir son pardon. C’est bien à la vue du sang d’une brebis répandu sur les linteaux de leur porte que l’ange de l’Éternel a épargné les enfants d’Israël. Le jour du grand pardon, Yom Kippour, est aujourd’hui encore une fête importante chez les juifs.  Il était tout à fait naturel que l’Église primitive assimile la brebis égorgée à Jésus.

 Pour conclure,

Dieu n’est pas du tout le responsable de la mort de Jésus. Il nous a semblé absurde de croire qu’un Dieu d’amour ait voulu sacrifier son propre fils pour venger son honneur bafoué. A chacun de donner sa réponse :
-Jésus est allé simplement au bout de sa mission. Son message était trop révolutionnaire pour laisser sereins ceux qui étaient visés
-Nombreux sont celles et ceux qui ont découvert qu’ils auraient pu être à l’image des  bourreaux du Christ, et se sentent pardonnés comme ses bourreaux l’ont été par Jésus en croix.
-Le dolorisme est ce qui a conduit certains à s’identifier à Jésus au point d’accepter volontairement la souffrance et les épreuves.
-C’est bien Jésus qui meurt et non pas Dieu. Mais Dieu est faible, sans pouvoir. Il accompagne Jésus comme il accompagne celles et ceux qui sont aujourd’hui même en souffrance. Cela inspire les théologiens de la révolution.
-Jésus a enseigné en allant jusqu’à la mort sur la croix, qu’au-delà de nous, une part de nous est éternelle et que nous ne devons pas craindre ceux qui tuent le corps, car ils ne peuvent tuer l’âme.
-Ses bourreaux croyaient que sa mort le réduirait définitivement au silence. Il n’en a rien été.

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